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Reportage

A La Réunion, les mesures choc pour préserver le «caviar» de l’île irritent les pêcheurs traditionnels

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Pour éviter l’extinction des bichique, alevins endémiques,, les pouvoirs publics ont dû prendre des mesures restrictives. Une injustice selon les habitants qui en vivent, accusés de surpêche ces dernières années.
A Bras-Panon, dans le nord-est de l'île de La Reunion, des pêcheurs placent leurs vouves, sorte de nasse à poissons. (Rosine Mazin/Aurimages. AFP)
publié le 26 novembre 2023 à 12h06

Ils ont failli tuer la poule aux œufs d’or. Dans les années 80, les quelque 500 pêcheurs de bichiques de La Réunion capturaient chaque saison vingt à trente tonnes de ces alevins, considérés par les gastronomes comme le caviar local. Un peu comme les civelles des côtes de la Nouvelle-Aquitaine. Or l’an dernier, seulement 800 kilos ont été déclarés… A l’embouchure de la rivière des Roches, dans l’est de l’île, les pêcheurs sont désabusés. «Il m’arrivait de vendre pour 100 000 francs [15 000 euros, ndlr] de bichiques en une journée», se souvient Pierre. Aujourd’hui, le gaillard ne peut plus vivre de son activité, une passion «ancrée dans la tête et le cœur» et transmise de père en fils. Maxwell renchérit, grognon : «A l’âge de 13 ans, j’ai gagné 70 000 francs [11 000 euros]. Je n’avais pas besoin de travailler à l’école !»

Ce matin, les deux quinquagénaires n’ont pris que quelques alevins dans leurs vouves, des nasses en forme d’entonnoir – insuffisant pour la vente au prix de 90 à 110 euros le kilo. Ils les consommeront donc en cari, plat emblématique de La Réunion. Comment expliquer cette hécatombe ?

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