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Décryptage

«On attend beaucoup de Sarah El Haïry» : les missions de la Haut-Commissaire à l’Enfance nommée ce mercredi

Annoncé par Emmanuel Macron après les inquiétudes émises par des associations face à l’absence d’un ministère dédié, ce poste a été officialisé jeudi 13 février et confié ce mercredi 5 mars à l’ancienne ministre chargée de l’Enfance et figure du MoDem Sarah El Haïry.
Sarah El Haïry, le 9 février 2024. (Denis Allard/Libération)
publié le 13 février 2025 à 18h39
(mis à jour le 5 mars 2025 à 17h42)

En annonçant fin décembre la création d’un Haut-Commissaire à l’enfance, Emmanuel Macron cherchait avant tout à faire avaler la pilule. Alors que le président de la République a dit et répété vouloir faire de la protection de l’enfance une priorité, l’absence de ministre dédié a provoqué l’ire des acteurs du secteur. Le lancement d’un haut-commissariat a été officialisé jeudi 13 février en Conseil des ministres, deux jours après la publication de sa mise en place au Journal officiel. Il a été confié ce mercredi 5 mars à Sarah El Haïry, vice-présidente du Modem et ancienne ministre déléguée chargée de l’Enfance, de la Jeunesse et des Familles. Et devra faire face à une situation critique.

Quelles sont les missions de ce nouveau Haut-Commissariat à l’Enfance ?

Institué auprès de Catherine Vautrin, ministre du Travail, des Solidarités et des Familles, ce Haut-Commissaire à l’Enfance «apporte son concours à la définition, la coordination, la promotion, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques conduites en matière d’enfance, en particulier en matière de protection de l’enfance, de santé de l’enfant, de soutien à la parentalité, d’adoption, de petite enfance et d’accueil du jeune enfant», peut-on lire dans les textes officiels. «Il contribue également à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques conduites à l’égard des professionnels de l’enfance», précise l’arrêté. Le Haut-Commissaire est ainsi notamment chargé d’organiser la concertation avec les acteurs du secteur et de coordonner au niveau interministériel la politique de l’enfance.

Dans quel contexte est-il créé ?

Dans une décision-cadre rendue publique le 29 janvier, la Défenseuse des droits, Claire Hédon, pressait l’Etat à agir face «aux lourdes défaillances» observées dans la protection de l’enfance. Mise à mal par une pénurie de professionnels, un déficit de structures d’accueil et un nombre croissant de jeunes à protéger – 390 000 font l’objet d’une mesure de protection selon les derniers chiffres officiels –, l’Aide sociale à l’enfance (ASE) est aux abois. En parallèle, quelque 3 millions d’enfants vivraient en France sous le seuil de pauvreté selon l’Unicef qui ajoute que le nombre d’enfants sans domicile «n’a cessé d’augmenter». Chaque année, ils sont par ailleurs 160 000 à être victimes de violences sexuelles, selon le collectif la Dynamique pour les droits de l’enfant qui regroupe une vingtaine d’associations.

Que pensent les acteurs de la protection de l’enfance de cette nouvelle institution ?

D’un côté, ce nouveau commissariat est «un progrès», reconnaît Pierre Suesser, pédiatre, coprésident du Syndicat national des médecins de protection maternelle et infantile (SNMPMI). «Ça témoigne d’une attention plus soutenue des pouvoirs publics pour l’enfance.» Mais cela reste insuffisant. «Tout ce qui concerne l’enfance est impacté par des choix politiques. Un ministre qui aurait des prérogatives reste la meilleure garantie puisqu’il pourrait agir au plus près des objectifs fixés», complète le médecin.

Même son de cloche du côté d’Arnaud Gallais, cofondateur et président de l’association Mouv’Enfants, pour qui ce Haut-Commissariat «représente le service minimum au regard de l’état de la protection de l’enfance en France». «La suppression d’un ministère dédié à l’enfance traduit une fois encore l’immobilisme de l’Etat sur cette question. Quoi qu’on dise, un Haut-Commissaire ne peut pas participer au Conseil des ministres et ne pourra pas avoir la même action et efficacité.»

Pierre-Alain Sarthou, directeur général de la Convention nationale des associations de protection de l’enfant, réagit ce mercredi à la nomination de Sarah El Haïry auprès du Monde : «Globalement c’est un pis-aller par rapport à un ministère. Elle va devoir redoubler d’effort pour faire avancer les choses». Il reste tout de même optimiste : «Lors de ses sept mois de mandat en tant que ministre, nous avions bien travaillé avec Mme El Haïry.»

De son côté, Joëlle Sicamois, directrice de la Fondation pour l’Enfance, s’admet «soulagée». Certes, un Haut-Commissariat n’est pas à la hauteur d’un ministère comme les associations l’espéraient. Mais désormais, «on va pouvoir travailler avec une interlocutrice privilégiée». Parmi les enjeux qu’elle estime les plus importants : «La situation de l’Aide sociale à l’enfance, un système qui est aux abois», évoque notamment Joëlle Sicamois avant de poursuivre : «il y a aussi la mise en œuvre du plan de lutte contre les violences faites aux enfants, ou encore la lutte contre les violences sexuelles dont Bétharram rappelle l’urgence… On attend beaucoup de Sarah El Haïry.»

Mise à jour : mercredi 5 mars à 12 h 30, avec la nomination de Sarah El Haïry, puis à 17 h 30 avec plus de réactions.