Une barrière grise, fermée à clé, longe le quai du bassin Vauban, juste en face des touristiques remparts de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). Derrière la clôture, 141 mètres d’ossature bleu marine avec quelques traces de rouille, des inscriptions en cyrillique et un pavillon russe : le Vladimir Latyshev flotte sur l’eau, inratable dans le paysage. De temps en temps, des marins passent sur le pont ou vont et viennent en vigie. «En fait, c’est quoi l’histoire ? Ils ont le droit de sortir ?» s’alarme Laurence, promeneuse chevronnée, en s’arrêtant devant le bâtiment.
Impossible de grimper à bord du navire, gelé dans le port de Saint-Malo depuis trois ans et les débuts de la guerre en Ukraine. Mais la venue d’une société de vidange des eaux usées fait apparaître Vitali Romanov sur le quai. En débardeur, le tatoué musclé honore son deuxième contrat sur le vraquier après être rentré quelque temps en Russie, pour quatorze mois de présence à Saint-Malo. L’équipage est relevé tous les six mois environ grâce à des autorisations de visa spécifiques. «On a toujours des choses à faire, vous savez, des opérations pour maintenir le bateau, par exemple», dépeint le natif d’Astrakhan de 27 ans, qui s’abstiendra de commentaires sur la situation internationale. Le reste de la journée, Vitali s’entraîne, lit beauco