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Billet

Adieu Jacqueline, je t’aimais bien

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Jacqueline Jencquel, 78 ans, qui défendait la fin de vie choisie, s’est donné la mort comme elle l’avait souhaité. Nathalie Rouiller, qui avait fait son portrait de der, lui rend hommage.
Jacqueline Jencquel, le 7 septembre 2020. (Lucile Boiron/Libération)
publié le 2 avril 2022 à 8h30

Tu as refermé la porte sans esbroufe, comme une ado en retour de boîte qui aurait retiré ses baskets pour feutrer son pas et ne pas réveiller ceux qui l’aimaient et auraient eu envie de la retenir encore un peu. Jacqueline, tu avais promis de me prévenir, de m’envoyer un texto laconique au cas où, pour que je sache, quand même… Et puis voilà, ton ultime signe fut de commenter une story Instagram. J’aime à croire que tu n’as pas voulu gâcher mon voyage au Cambodge… En réalité, et plus prosaïquement, j’imagine que ton instinct de survie, contre lequel tu guerroyais depuis deux ou trois ans t’a finalement lâché la grappe. La fin de vie choisie, inlassable combat que les politiques effleurent du bout des lèvres en période électorale, t’avait amenée à beaucoup réfléchir, théoriser et écrire, sur la mort et le suicide assisté.

Tu t’étais longtemps engagée à l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), auprès de Jean-Luc Romero. Puis, en solo tu avais publié un livre intitulé Terminer en beauté et tenu un blog sur le site du quotidien suisse le Temps. Tu y parlais cru et dur, y dissertant avec conviction sur l’absurde et l’inéluctable de la décrépitude intellectuelle et physique, te désolant de ces femmes et de ces hommes percutants qui avaient vu leurs flamboyances tristement s’écorner. Toi, tu refusais de t’aigrir, de te ratatiner, d’être la vieille à trimbaler délicatement d’un lieu à un autre. Tu redoutais que ta pensée ne s’altère subitement, ou q