C’était l’incendie «le plus important de la saison» dans l’Hérault, selon le préfet du département, François-Xavier Lauch. Le feu, qui a démarré à Frontignan dans l’après-midi de dimanche 18 août, a été maîtrisé le jour même par 400 pompiers, après avoir ravagé 350 hectares de pinède. La zone fait toujours l’objet d’une surveillance accrue en raison de vents susceptibles d’accélérer tout nouveau départ de feu. Simultanément, à Canet-en-Roussillon, dans les Pyrénées-Orientales, un incendie s’est déclaré dans la nuit de dimanche à lundi, faisant onze blessés légers et obligeant à évacuer 3 000 vacanciers d’un camping. Plus largement, une grande partie du sud du pays était placée en vigilance orange «danger feux» ce lundi par Météo France.
La France est de plus en plus souvent confrontée à ce genre d’incendies en période estivale. Pour l’instant, le bilan est moins alarmant que les années précédentes. «4 000 hectares ont brûlé» en France en 2024 «contre 12 000 à la même date l’année dernière», a déclaré le ministre de l’Intérieur démissionnaire, Gérald Darmanin, lors d’un déplacement à Frontignan ce lundi. «On est sur un été plutôt clément», a complété le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, également démissionnaire, à ses côtés. Mais chaque été ravive les inquiétudes concernant la préparation de la sécurité civile, dont la flotte est pour partie clouée au sol, comme l’a souligné la Marseillaise dans son édition de ce lundi. «Sur douze Canadair, en moyenne six sont opérationnels. Certains jours ça peut tomber à deux, et dans des cas exceptionnels on peut monter à dix», expose Benoît Quennepoix, pilote et secrétaire général du Syndicat national du personnel navigant de l’aéronautique civile (SNPNAC). Une indisponibilité d’autant plus handicapante que ces avions ont vocation à larguer leurs 6 000 litres d’eau sur les «fronts de feu» (la ligne qui marque l’avant de l’incendie), et sont donc plus efficaces quand ils sont utilisés en «norias», précise Sébastien Delavoux, animateur du collectif de la CGT des Services départementaux d’incendie et de secours.
«Flotte permanente»
Pour expliquer le maintien au sol d’un grand nombre de Canadair, Benoît Quennepoix pointe du doigt «un manque d’effectifs» de l’entreprise chargée de la maintenance, Sabena Technics, qui allonge les délais d’intervention. En cause, des départs non remplacés et les conditions de travail dégradées, qui ont suscité le mécontentement des techniciens, et une grève de quelques jours au printemps. «A cette période, on avait entre zéro et deux Canadair disponibles», explique le secrétaire général du SNPNAC. Qui rappelle que, jusqu’en 2027, Sabena Technics est seule titulaire de la maintenance de ces appareils. Pour faire face à ce type de difficultés, chaque année depuis 2020, des aéronefs sont loués à des entreprises privées. Une solution coûteuse et de court terme, selon Benoît Quennepoix qui préférerait «le renouvellement de la flotte permanente et l’augmentation de son nombre d’avions».
Sur le papier, la France dispose de douze avions Canadair et de trois Beechcraft, établit un rapport de juillet 2023 signé par le sénateur Jean Pierre Vogel (LR). Et mis à part huit avions Dash acquis récemment, qui ont davantage de contenance mais sont plus longs à charger en eau, ces appareils ont au minimum… 23 ans (près du double pour les Beechcraft). Contrairement à la promesse présidentielle, formulée en 2022, de renouveler la flotte de Canadair d’ici à 2027, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), citée dans le rapport, indiquait que «la France ne pourrait espérer bénéficier de la livraison que de deux appareils dans les cinq prochaines années». En cause : le monopole de l’entreprise De Havilland Canada (DHC), et sa «décision tardive», en 2022, de lancer sa production de ce nouveau modèle d’avion, selon le sénateur.
«On n’arrive pas à avoir les informations»
«Je ne peux pas vous dire que l’entreprise n’a pas commencé à produire ces avions, mais je peux vous dire qu’on n’arrive pas à avoir les informations» sur les délais de production et de livraison, s’agace Sébastien Delavoux. D’après une récente communication de la DGSCGC, les deux premiers avions DHC-515 seront livrés en France en 2028. Une «version optimiste» du calendrier, estime le représentant de la CGT. Au total, seize aéronefs de ce type – dont deux financés par le fonds européen rescEU – sont censés venir remplacer les douze vieux Canadair, souligne un rapport d’information des députés Lisa Belluco (Les Ecologistes) et Didier Lemaire (Horizons) daté de l’été 2023. Pour réduire la dépendance à une entreprise étrangère, les élus recommandent «à l’échelle européenne, [de] mettre en œuvre une politique industrielle assurant la souveraineté de l’Union européenne en matière d’acquisition de matériels et de technologies dans le domaine de la sécurité civile». La France a d’ailleurs déjà misé sur l’Europe pour ses hélicoptères, puisqu’un marché a été conclu en début d’année avec Airbus pour l’acquisition de 42 appareils à destination de la gendarmerie et de la sécurité civile – ils pourront transporter «près de 1 000 litres, [ce] qui permettra de disposer d’une capacité d’attaque immédiate des feux naissants», selon le communiqué du ministère de l’Intérieur.