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Violences

Agression de Samara à Montpellier : les trois mineurs mis en examen pour tentative d’homicide volontaire

Selon le parquet, qui n’évoque aucune dimension religieuse, ce déferlement de violence contre la collégienne trouverait son origine dans les «invectives» entre élèves sur les réseaux sociaux.
Des élèves devant le collège Arthur-Rimbaud de Montpellier mercredi 3 avril. (Pascal Guyot/AFP)
publié le 5 avril 2024 à 10h30
(mis à jour le 6 avril 2024 à 8h11)

Le parquet estime donc qu’ils avaient l’intention de tuer Samara. Les trois mineurs de 14 et 15 ans qui ont reconnu avoir frappé la collégienne de Montpellier ont été mis en examen vendredi 6 avril dans la soirée pour «tentative d’homicide volontaire» et placés sous contrôle judiciaire.

Après la violente agression de la collégienne de 13 ans mardi, ces trois mineurs, une jeune fille de 14 ans élève comme Samara dans l’établissement Arthur-Rimbaud, dans le quartier populaire de La Mosson-La Paillade, et deux garçons de 14 et 15 ans scolarisés dans d’autres établissements de la ville, avaient été interpellés et placés en garde à vue mercredi. Ils ont ensuite reconnu les faits, «admettant avoir porté des coups». La victime, gravement blessée, est désormais sortie du coma.

Les premiers éléments de l’enquête paraissent éclaircir certains points flous, et aller à l’encontre de la version des faits présentée par la famille.

Vendredi soir, le parquet n’a évoqué aucune dimension religieuse dans l’origine de ce déferlement de violence, mais plutôt des «invectives» entre élèves sur les réseaux sociaux. Brièvement interrogée par les enquêteurs, Samara a révélé d’autres violences subies quelques jours plus tôt, infligées par l’un des trois mis en cause, mais elle «n’a pas évoqué spécifiquement à ce stade des faits de harcèlement sur longue période la concernant», a précisé le parquet.

Sur BFMTV jeudi, la mère de la victime avait accusé la collégienne interpellée d’avoir été la «commanditaire» du passage à tabac de sa fille. Depuis plus d’un an, cette camarade aurait «pris en grippe Samara» et la traitait de «mécréante», en raison - toujours selon la version de la mère - de sa façon de se vêtir, évoquant l’hypothèse d’un conflit autour de la pratique de la religion. Elle avait aussi affirmé que cette collégienne avait été exclue de l’établissement deux jours en juin 2023, notamment après avoir publié une photo de sa fille sur les réseaux sociaux appelant à la violer.

La question de la sortie du collège

A la suite de ces propos, le député socialiste de l’Essonne Jérôme Guedj, par ailleurs secrétaire national à la laïcité du Parti socialiste, a annoncé jeudi saisir le procureur de Montpellier pour des «menaces de nature religieuse» qui auraient eu lieu avant l’agression de l’adolescente. Le député souligne que «la mère de la victime […] rapporte notamment que sa fille, de confession musulmane, était traitée de «kouffar», qui veut dite «mécréant» en arabe, et de «kahba», ce qui signifie «pute», et ce parce qu’elle se maquille et s’habille à l’européenne».

Reste aussi à trancher la question de la sortie du collège le mardi après-midi avant les faits. Dans l’émission Touche pas à mon poste sur C8 jeudi soir, la mère de la victime avait affirmé avoir été appelée le jour même de l’agression par le professeur principal de sa fille, pour la prévenir qu’un groupe de jeunes attendait cette dernière devant le collège. «Suite à cet appel, j’ai appelé à deux reprises la vie scolaire» en leur demandant de garder Samara dans l’enceinte de l’établissement, mais la CPE était «injoignable», a-t-elle témoigné.

Inspection ministérielle

Pour répondre à ces questions, des inspecteurs généraux du ministère de l’Education sont arrivés vendredi au collège Arthur-Rimbaud de Montpellier, dans le cadre d’une «mission flash» de huit jours.

«Evidemment, je veux tout savoir, tout savoir sur ce qu’il s’est passé durant les mois précédents ou les semaines précédentes dans l’établissement où Samara était accueillie», a martelé jeudi soir la ministre de l’Education nationale Nicole Belloubet sur BFMTV. Et elle a prévenu : son «bras ne tremblera pas» si des fautes ont été commises.

L’enquête administrative mandatée par la ministre de l’Education nationale «aura pour objet à la fois d’établir la réalité des faits» et «les responsabilités», a prévenu Nicole Belloubet, assurant qu’au terme de celle-ci elle «en tirerai [t] toutes les conséquences». «Nous devons la vérité à Samara, à la famille et bien sûr à notre institution», a encore estimé la ministre, promettant qu’elle ne «faillirai [t] pas». Et d’ajouter : «S’il y a eu harcèlement, on ne peut pas l’exclure, on ne doit d’ailleurs pas l’exclure, s’il y a eu harcèlement, […] nous verrons ce qu’il convient de décider dans les quelques jours qui viennent».

L’agression violente de Samara a précédé de quelques heures celle d’un autre adolescent, Shamseddine, passé à tabac jeudi à Viry-Châtillon en Essonne. Le collégien de 15 ans est mort, a annoncé le parquet d’Evry. A la suite de ces deux drames, Emmanuel Macron a vivement réagi vendredi. L’école «doit rester un sanctuaire» face à «une forme de violence désinhibée chez nos adolescents», a martelé le président de la République, lors d’une visite dans un établissement parisien.

Mise à jour : ce samedi 6 avril à 8h10, avec l’ajout des mises en examen des trois mineurs qui ont reconnu les faits.