Menu
Libération
Solidarité

Aide humanitaire en Ukraine: chez MSF, «il a fallu tout organiser en moins de deux semaines»

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
En Gironde, le centre logistique de Médecins sans frontières, l’un des plus importants pôles d’acheminement d’aide humanitaire au monde, a déjà diligenté huit expéditions de matériel de premiers secours à destination des structures de santé ukrainiennes.
Préparation des premiers colis pour l'Ukraine au centre MSF de Mérignac (Gironde), le 4 mars. (Philippe Lopez/AFP)
par Eva Fonteneau, correspondante à Bordeaux
publié le 13 mars 2022 à 15h57

Dans le dédale des allées de l’entrepôt de Médecins sans frontières logistique (MSF) à Mérignac, à l’ouest de Bordeaux, des piles de cartons estampillés «war crisis» s’alignent au sol sur de larges palettes en bois. Dans quelques dizaines de minutes, environ 15 tonnes de médicaments et de matériel médical et logistique seront chargées en direction de l’Ukraine, envahie par les forces russes le 24 février. «Deux camions partent aujourd’hui [vendredi]. Un troisième est prévu dans les prochains jours, détaille Nicolas Chenebault, responsable expédition sur le site girondin. C’est très compliqué de trouver des chauffeurs qui veulent aller jusque là-bas. Ils font un premier stop à la frontière, ensuite, des locaux prennent le relais.» Depuis le début de la guerre, MSF, l’un des plus importants pôles d’acheminement d’aide humanitaire de la planète, a diligenté huit expéditions de ce type vers la Pologne et la Moldavie. Les premiers cargos, envoyés le 5 mars, sont entrés sur le territoire ukrainien mercredi pour être distribués en support auprès des structures de santé. Les suivants devraient arriver en milieu de semaine.

Kit d’urgence et casques blancs

A l’intérieur des cartons, on trouve principalement du matériel de premier secours : des respirateurs, des outils pour stériliser les instruments de chirurgie, des brancards, des couvertures de survie… Un kit d’urgence a aussi été créé spécialement pour l’Ukraine. «Ils sont plus faciles à transporter et contiennent des antibiotiques, des antidouleurs, du matériel pour réaliser des sutures, désinfecter ainsi que des compresses ou des pansements. Un seul kit permet de prodiguer les premiers soins à environ 100 blessés», énumère Fadila Asloune, coordinatrice des urgences. Pour sécuriser les équipes médicales MSF, des gilets pare-balles et des casques blancs ont également été envoyés dans les cargaisons.

Avec les combats en cours, déterminer l’étendue réelle des besoins médicaux en Ukraine reste difficile. «Pour l’instant, les demandes ne sont pas massives. Mais nous le savons, c’est certainement car on n’arrive pas à avoir toutes les informations. En temps de guerre, chaque donnée qui circule est très sensible, alors ça peut prendre du temps», analyse Laurent Sury, directeur du site à Mérignac et infirmier de profession. Pour illustrer l’étendue de la situation humanitaire, il pianote rapidement sur son ordinateur et dévoile un enregistrement audio réalisé le 9 mars, à Marioupol. Dans cette ville du sud de l’Ukraine, l’hôpital pour enfants a été dévasté par les bombardements. Sasha, un personnel MSF témoigne : «Il y a eu des explosions partout […] Il y a aussi un gros problème d’eau potable. Nous avons vu des gens prendre l’eau des systèmes de chauffage pour pouvoir se laver les mains ou pour leurs besoins les plus basiques.» Des milliers de personnes sont coupées du monde et manquent de vivres et de médicaments, précisent ses collègues dans un point actu mis à jour quasi quotidiennement. MSF alerte aussi sur la détérioration de la prise en charge des personnes souffrant de maladies chroniques.

Esprit de neutralité

«Nous sommes habitués à intervenir en zone de conflits. D’ailleurs, notre plus grosse activité du moment n’est pas en Ukraine mais au Yémen, au Soudan ou au nord du Nigeria par exemple, où les admissions dans les centres de nutrition thérapeutiques ont fortement augmenté», rappelle Laurent Sury. Paradoxalement, avec l’Ukraine, le plus complexe a été de gérer les formalités administratives pour acheminer les colis vers les frontières, car l’ONG est calibrée pour l’exportation hors Union européenne. «C’était d’autant plus délicat, qu’avant le conflit, MSF n’était pas en Pologne. Il a fallu tout organiser en moins de deux semaines», poursuit le directeur. En anticipant toute une série de scénarios, MSF a commencé à déployer des équipes en Pologne, Moldavie, Hongrie, Roumanie et Slovaquie. Dans un esprit de neutralité, elles sont également prêtes à intervenir en Russie et en Biélorussie.