Combien seront-ils à venir, une nouvelle fois, exprimer leur désaccord et leur ressentiment dans la rue ce samedi ? Quelques jours après la généralisation du pass sanitaire dans la plupart des lieux publics, ses opposants ne lâchent rien et se préparent pour le cinquième week-end consécutif de mobilisation. La semaine dernière, le ministère de l’Intérieur a recensé 237 000 manifestants sur l’ensemble du territoire, deux fois plus que pour les premiers rassemblements d’ampleur nationale le 17 juillet. Une sous-estimation selon les manifestants. Le collectif militant Le Nombre Jaune, qui publie sur Facebook un décompte ville par ville, recensait samedi dernier plus de 415 000 participants «minimum» en France.
Pour ce samedi, les autorités s’attendent à voir défiler «environ 250 000 manifestants» en France, explique une source policière à l’AFP. Trois rassemblements sont prévus à Paris avec, comme les semaines précédentes, une division nette entre les deux principaux mouvements qui agrègent l’essentiel des manifestants. D’un côté, le défilé organisé à l’appel de l’ex-numéro 2 du Rassemblement national et désormais président des Patriotes, Florian Philippot, partira de la place de la Catalogne vers 14h30. De l’autre, un cortège déclaré par des «gilets jaunes» rassemblera ceux qui refusent de marcher aux côtés de l’extrême droite, avec un départ depuis la porte Dorée vers 13 heures.
«Obligation vaccinale déguisée»
Ce mouvement hétéroclite, qui rassemble au-delà de la galaxie vaccino-sceptique ou complotiste, a grossi de manière inédite en plein cœur de l’été. Très suivi dans le Sud, il rassemble chaque semaine des foules importantes dans des villes comme Toulon, Montpellier ou Nice, où de nouvelles manifestations sont attendues samedi.
Malgré cette contestation, le pass sanitaire s’est généralisé depuis lundi dans la plupart des lieux publics, après le feu vert donné par le Conseil constitutionnel pour son extension. Bars, restaurants, cinémas, musées, hôpitaux, transports longue distance… Tous sont tenus de réclamer le QR code qui témoigne d’une vaccination complète, d’un test négatif dans les dernières soixante-douze heures, ou d’un rétablissement face à la maladie lors des six derniers mois.
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Dans les cortèges, composés de citoyens très divers, souvent sans affiliation politique ou syndicale, ce dispositif est perçu comme une atteinte aux «libertés» et comme une «obligation vaccinale déguisée». Certains manifestants dénoncent également une «dictature sanitaire». Une accusation rejetée en bloc par Emmanuel Macron, en première ligne face à la contestation.
Confronté au défi de convaincre sans stigmatiser, l’exécutif redoute également une radicalisation du mouvement anti-pass. Mercredi, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a ordonné une surveillance renforcée autour des centres de vaccination, de dépistage ou des pharmacies, à la suite d’une série d’actes de malveillance.
Société «incandescente»
Jeudi, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a dénoncé depuis la Martinique les manifestants qui protestent «avec des pancartes extrêmement bariolées et des motifs parfois extrêmement douteux, […] voire complètement crades», une référence notamment à la manifestante du cortège de Metz, Cassandre Fristot, ex-membre du Front national, placée en garde à vue lundi pour avoir brandi une pancarte barrée du slogan antisémite «Mais qui ?». Elle sera jugée le 8 septembre pour «provocation publique à la haine raciale».
En visite à Carcassonne (Aude), où il a été pris à partie par une passante vaccino-sceptique qui a accusé le gouvernement de «tuer la France», le Premier ministre, Jean Castex, a reconnu mercredi que «la société est fatiguée, incandescente», après un an et demi de lutte contre la pandémie. Le gouvernement souhaite tenir son objectif de 50 millions de Français ayant reçu une première injection à la fin du mois d’août.
En brandissant la situation catastrophique aux Antilles comme un repoussoir, l’exécutif espère convaincre indécis et réfractaires. La vaccination y est trois fois plus faible qu’en métropole et la flambée épidémique provoquée par le variant Delta une «preuve par l’exemple» de l’urgence à passer sous la seringue, selon le Premier ministre. Ces départements d’Outre-mer offrent une «démonstration cruelle» de l’intérêt des vaccins, a renchéri Emmanuel Macron mercredi, en assumant pleinement la généralisation du pass sanitaire. «C’était cela ou la fermeture du pays.»
Face à la contestation, le gouvernement agite également la carte de la majorité silencieuse : depuis la mi-juillet, les prises de rendez-vous dans les centres de vaccination dépassent de très loin le nombre d’opposants mobilisés dans la rue chaque samedi. Minoritaires selon les sondages, les manifestants ne désarment pas et comptent sur la fin des vacances pour accentuer la pression. Dès jeudi, Florian Philippot a appelé sur YouTube à un «grand événement unique, national, le samedi 4 septembre prochain», avec «toutes les forces» politiques.
Mis à jour : nouvelle estimation du nombre de manifestants attendus ce samedi