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Manifestation

Après l’attentat de La Grande-Motte : «On va à la synagogue la boule au ventre»

A l’initiative d’associations juives de gauche, une centaine de personnes se sont rassemblées dans un quartier populaire de Paris pour dire non à la «banalisation de l’antisémitisme» après l’attentat qui a visé la synagogue de La Grande-Motte samedi.
Devant la synagogue de La Grande-Motte le 24 août 2024. (Pascal Guyot/AFP)
publié le 25 août 2024 à 20h58

David, du collectif Golem, ne s’attendait pas à ce qu’il y ait autant de monde. Signe de l’émoi suscité par l’attentat visant la synagogue de La Grande-Motte ce samedi 24 août 2024, plus d’une centaine de personnes se sont réunies dimanche sur la place Armand-Carrel, dans le populaire XIXe arrondissement de Paris, où l’association de juifs de gauche créée dans la foulée du 7 Octobre a organisé ce rassemblement au pied levé. Des petites mains jaunes font leur apparition – les militants de SOS Racisme – et chaque organisation de gauche ou presque est représentée : l’Unef, la Fage, la Ligue des droits de l’homme, la CGT, en plus des Juifs et Juives révolutionnaires ou des Guerrières de la paix.

«Tous les juifs ne sont pas Nétanyahou»

Ce n’est pas la première fois qu’un tel rassemblement a lieu tant les actes antisémites se multiplient en France depuis le 7 Octobre. Mais, plutôt que sur la place de la République comme après le viol d’une fille juive de 12 ans à Courbevoie en juin, Golem a voulu qu’il se tienne cette fois dans un quartier où vivent de nombreux juifs, «afin de montrer à la communauté qu’on est là pour eux». Kippa sur la tête, Raphaël s’approche pour écouter les discours. Il promenait sa nièce en poussette au parc des Buttes-Chaumont quand son regard a été attiré par la foule. Le jeune homme dit ne pas avoir été surpris par l’attentat visant la synagogue dans l’Hérault : «C’est triste, mais c’est devenu tellement banal qu’on n’est plus choqué.» Ce juif pratiquant dit subir, au quotidien, des crachats sur son passage et des insultes de type «sale juif». Est-il inquiet à l’approche des fêtes juives de Tichri qui auront lieu du 3 (le Nouvel An) au 16 octobre (Soukkot, la fête des cabanes), dans un contexte marqué par le premier anniversaire du 7 Octobre ? «Oui, mais ce n’est pas nouveau. On va à la synagogue la boule au ventre. Aujourd’hui, quand vous êtes pratiquant, vous avez tout le temps peur, quand vous accompagnez les enfants à l’école, quand vous faites vos courses, etc.» Envisage-t-il de faire son «alya», c’est-à-dire d’émigrer en Israël ? La réponse fuse : «Bien sûr, et c’est dans la tête de nombreux juifs. C’est triste, car de base on est français, on aime la France, moi je dois tout à la France.»

Dans la foule, il y a aussi Yasmina, qui a fait le trajet depuis Créteil, avec son fils de 15 ans et sa mère de 71 ans. Sympathisante des Guerrières de la paix, elle trouvait important, «en tant que maghrébine», de témoigner sa solidarité à ses compatriotes juifs. «J’ai grandi dans un quartier populaire avec une grande mixité qui aujourd’hui a disparu à cause de la politique d’attribution des logements et j’aimerais qu’on arrête de juger les gens par rapport à ce qu’ils sont. Tous les juifs ne sont pas Nétanyahou et tous les Arabes ne sont pas le Hamas», dit celle qui juge l’extrême droite et l’extrême gauche également responsables du climat de haine dans la société. «Parlons-nous, peut-être qu’on ne sera pas d’accord, mais on n’est pas obligés de se cracher dessus», poursuit-elle.

«La réponse sécuritaire ne suffit pas»

Les militants de gauche appellent à un sursaut de la société, et les responsables politiques à faire preuve de responsabilité, y compris à gauche. «On ne peut pas rajouter toujours plus de policiers devant les synagogues. La réponse sécuritaire ne suffit pas», juge David, qui mise sur la formation des militants et élus politiques. Golem a rédigé une charte de lutte contre l’antisémitisme que plusieurs députés écologistes ont signée : «On attend que LFI la signe aussi.» Parmi les engagements, celui de se former au combat contre l’antisémitisme. Tout juste rentrés de Tours où ils ont participé à l’université d’été des Ecologistes, leur nouveau groupe de rattachement à l’Assemblée, les ex-LFI Danielle Simonnet et Alexis Corbière ont tenu à être là. La députée de Paris rappelle le rôle des résistants juifs dans la libération de la capitale, il y a 80 ans, mais refuse de se prononcer sur la responsabilité éventuelle de LFI dans la recrudescence des actes antisémites. «Les actes antisémites ne sont pas résiduels», dit-elle cependant, allusion à une phrase de Jean-Luc Mélenchon. Pour Alexis Corbière, ce qui s’est passé à La Grande-Motte n’est pas «un banal fait divers mais a une dimension nationale». La raison de sa présence ici ? «On refuse toute forme de banalisation, de la parole raciste comme de l’antisémitisme.»