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Libération
Les routes de la migration en France (1/3)

Au Pays basque, «dès qu’on ferme un passage pour les migrants, un autre plus risqué s’ouvre»

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Migrants, réfugiés... face à l'exodedossier
«Libération» a enquêté sur les routes migratoires traversant la France. Au Pays basque nord, les dispositifs de contrôle ont été multipliés sur les routes et dans les gares. Avec, comme conséquence, la généralisation des «pushbacks», les refoulements à la frontière, au mépris des traités internationaux.
Contrôle de police à Hendaye, près de la frontière espagnole, en novembre 2018. (Marion Vacca/Hans Lucas)
par Gurvan Kristanadjaja et Cyrille Pitois, correspondant au Pays basque
publié le 26 mars 2021 à 17h00

Ahmed (1) a débarqué dans la voiture 16 du train en provenance d’Hendaye et à destination de Paris les yeux ronds comme des billes. Il est arrivé au dernier moment en gare de Bayonne pour éviter les contrôles de police. Ce jeune Marocain de 24 ans, cheveux courts et frange droite, tient son billet comme on manipule la notice d’un meuble Ikea : il le tourne dans tous les sens pour en déchiffrer les instructions. Un passager l’aide à trouver sa place dans un carré familial au milieu du wagon. Il s’installe, stressé.

Le voyage comporte son lot de risques : Ahmed n’a pas de papiers ni de titre de séjour, il risque donc de se faire arrêter. Le jeune homme est arrivé au Pays basque il y a quelques jours en provenance d’Espagne, après avoir quitté une «mauvaise vie» dans son pays natal. Il ne souhaite pas s’attarder en France car il doit rejoindre l’Angleterre. «Un oncle m’attend», glisse-t-il simplement. Depuis le départ du train à Hendaye, des agents de la police aux frontières (PAF) effectuent des allers-retours incessants dans les voitures, gilet pare-balles enfilé et attirail dissuasif à la ceinture. A chaque rangée de sièges, ils dévisagent les passagers. Ceux qui pianotent sur des ordinateurs ne semblent pas suspects, à leurs yeux.

Il est en revanche aisé de reconnaître les exilés : outre leur couleur de peau, ils montent sans bagage et portent souvent un masque abîmé qu’ils traînent depuis des jours. A peine le temps pour Ahmed d’enlever sa veste que la P