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Vandalisme

La tombe de Robert Badinter à Bagneux profanée avant son entrée au Panthéon

Des inscriptions injurieuses ont été retrouvées ce jeudi 9 octobre sur la pierre tombale de l’ex-ministre de la Justice, en région parisienne, à quelques heures de sa panthéonisation. L’enquête a été confiée à la Sûreté territoriale des Hauts-de-Seine.

Robert Badinder, en 2011 à Paris. (Jérome Bonnet/Libération)
ParLéonard Cassette
Laurent Léger
Grand reporter - Enquêtes
Publié le 09/10/2025 à 12h15, mis à jour le 09/10/2025 à 14h02

Alors que la panthéonisation de l’avocat, ancien garde des Sceaux et militant de toujours pour l’abolition de la peine de mort doit intervenir ce jeudi 9 octobre, c’est sa mémoire que certains ont tenté de salir. La tombe de Robert Badinter, mort en février 2024 à l’âge de 95 ans et enterré au cimetière de Bagneux (Hauts-de-Seine), a été profanée par une inscription, a appris Libération, ce jeudi 9 octobre matin, de deux sources distinctes. Les mots «Les assassins, les violeurs, les pedo, la République reconnaissante» ont été découverts sur le tombeau de celui dont les engagements universalistes seront célébrés par la République. L’enquête a été confiée à la Sûreté territoriale des Hauts-de-Seine.

Dans la foulée de l’annonce, le Président Emmanuel Macron a vivement réagi X : «La tombe de Robert Badinter a été profanée. Honte à ceux qui ont voulu souiller sa mémoire. Ce soir, il entrera au Panthéon, demeure éternelle de la conscience et de la justice. La République est toujours plus forte que la haine.»

« C’est vertigineux ce niveau de haine »

La police, sur place, a établi un périmètre de sécurité. La tombe de Robert Badinter, elle, a été recouverte d’une bâche kaki maintenue par des planches en bois et entourée de barrières vauban. Une riveraine, se présentant comme une proche de la famille, dit avoir aperçu «de la peinture blanche sur tout le dessus de la tombe» avant que celle-ci ne soit bâchée. Elle est venue se recueillir ici avant de rejoindre la cérémonie prévue au Panthéon. «C’est vertigineux ce niveau de haine, lâche-t-elle, désolée. Je suis venue parce que c’était un moment particulier […]. Je veux savoir ce qu’il y avait d’écrit, et en même temps, je ne veux pas savoir. On ne peut même pas s’approcher de la tombe aujourd’hui. C’est un spectacle désolant.» Et de laisser son vélo glisser doucement loin de la scène : «Je n’ai plus de mots.»

Carole (1), elle, avait coché cette journée du 9 octobre et l’entrée au Panthéon de «ce grand homme d’État, comme il y en a peu» dans sa tête. Habituée de promenades dans le cimetière de Bagneux, pour «ses arbres et ses écureuils», elle tenait à passer devant la tombe de Robert Badinter pour la fin de sa balade. Impossible, la police lui barre la route. Carole repart dans la direction opposée dans un sourire, mais indignée : «C’est scandaleux. À chaque profanation - et il y en a de plus en plus - c’est toujours aussi scandaleux. On finit par s’habituer à tout, mais moi je ne m’y habitue pas».

La dépouille restera au cimetière de Bagneux

Peu avant 13 heures, un utilitaire du service de propreté de la ville de Paris est arrivé sur place, garni de sacs de produits abrasifs. Les agents prenant soin de garer leur camion de manière à obstruer la vue aux médias, avant d’enfiler une combinaison en plastique blanche et de se munir de gants et de seaux. De nouvelles bâches ont été tendues tout autour de la tombe de Robert Badinter le temps de leur intervention.

Petit chèche autour du cou, un homme s’avance en direction des barrières et demande ce qu’il se trame ici. Quand on lui répond que la tombe a été profanée, il « tombe des nues ». Historien « de la mort et du funéraire », le badaud indique travailler sur le cimetière de Bagneux, et le traverser régulièrement par plaisir. « Je suis choqué, embraye-t-il. En tant qu’historien du funéraire, le vandalisme sur les tombes n’est pas récent. Même si, comme ça, je ne saurais pas vous dire à quelles dates remontent les premiers graffitis ». Il prendra rapidement congé, en souhaitant une bonne journée à la rangée de journalistes patientant à l’écart de la tombe.

La sépulture a finalement été nettoyée en quelques dizaines de minutes et à 13 h 30 les agents de police ont enlevé les barrières, laissant de nouveau la tombe de Robert Badinter accessible. On peut y lire «Famille Robert Badinter» en lettres dorées. Et, sur une autre face, les années de naissance et de décès de l’ancien ministre de la Justice. A 17 heures aujourd’hui, le cercueil de l’ancien ministre doit être transporté vers la nécropole dans le Ve arrondissement, au centre de Paris, avant de remonter la rue Soufflot puis d’être accueilli par Emmanuel Macron pour un discours sous la nef du Panthéon. Mais le corps de Robert Badinter repose toujours au cimetière de Bagneux. Le cercueil qui sera transporté contiendra des objets choisis par Elisabeth Badinter.

(1) Le prénom a été modifié.

Mise à jour à 13 h 16 avec le début de l’intervention de nettoyage et à 13 h 37 avec le témoignage de Carole et la réouverture de l’accès à la tombe.