Sous le toit de tôle et les néons du parc des expositions de La Teste-de-Buch, certains tentent de trouver le sommeil, pendant que d’autres font la queue pour obtenir eau et nourriture. Ici, plus de 6 000 campeurs évacués dans la nuit de mardi 12 à mercredi 13 juillet ont trouvé refuge depuis les petites heures du matin, alors que deux incendies grignotent les pinèdes de Gironde. Ces feux de forêts, distincts mais simultanés, se sont déclarés dans l’après-midi du mardi 12 juillet à Landiras, à une quarantaine de kilomètres au sud de Bordeaux, et au pied de la dune du Pilat, sur le très touristique bassin d’Arcachon.
Selon un dernier bilan communiqué à 16 heures par le lieutenant-colonel Olivier Chavatte du Service départemental d’incendie et de secours, le feu qui consume les forêts dunaires de La Teste-de-Buch n’est «absolument pas maîtrisé». 1 200 hectares de pins ont déjà été détruits et les «vents tournants extrêmement défavorables» levés dans l’après-midi compliquent la tâche des quelque 600 sapeurs-pompiers à pied d’œuvre depuis la veille. Un peu plus loin à Landiras, où 1 000 hectares sont déjà partis en fumée, 500 personnes ont aussi été évacuées dans la soirée du mardi, par précaution.
Assistés de deux Canadair et de deux avions Dash, les secours tentent de venir à bout de feux importants, alimentés par une végétation sèche et la chaleur. L’incendie, toujours actif malgré l’arrivée de nouveaux renforts nationaux, ne permet pas d’envisager un retour dans les campings évacués, a tranché la préfète de région Fabienne Buccio. Pour la nuit à venir, il faudra se résoudre à dormir sur les lits de camp mis à disposition. «Le parc des expositions a une capacité de 700 lits et on en ouvre 100 supplémentaires dans un gymnase voisin», annonce Stéphane Pelizzardi, directeur des services de la mairie de La Teste-de-Buch, au micro, sous les applaudissements des évacués résignés.
Yeux rougis par les larmes ou la fatigue
Nathalie, bénévole, tient une liste à la main. «Les habitants des alentours qui ont de la place chez eux ou un peu de terrain pour une tente viennent se signaler pour qu’on puisse y loger ce soir les personnes les plus en difficulté», explique-t-elle. On croise des yeux rougis par les larmes ou la fatigue. Des bonnes âmes, à défaut de place, sont venues donner un coup de main en distribuant des repas, des bouteilles d’eau et même des croquettes pour les animaux. «Tout à fait logique» pour Elisabeth, 61 ans, aide-soignante et résidente d’une commune voisine.
Hors du gymnase, elle scrute aussi les vents et les nuages de fumée, pas si lointains. «J’espère que ça ne va pas se propager, je vais peut-être finir par devoir être aidée moi aussi.» Partout, les petites mains s’affairent. Commerçants locaux, grandes enseignes et habitants du coin y sont allés de leurs dons, en jeux, en livres ou en matériel de première nécessité. Les plages de La Teste-de-Buch ont été fermées et les maîtres nageurs ont été réquisitionnés. «On anime, on occupe les enfants. Les gens ont été délogés à 3 heures du matin alors on voit bien que certains sont inquiets», commente Charline Bonis, sauveteuse.
Reportage
«Cette fois, c’est nous»
Sur les tables, on lit le récit de la soirée dans le journal du jour. «Cette photo-là, c’est ce qu’on a vu hier soir en montant sur la dune du Pilat vers 21h30, sourit Marie-Anne Fortier, le doigt sur une image de pinède en flammes, sur fond de ciel noir. C’est le front de feu qu’on a vu et même si on nous avait dit de ne pas nous inquiéter, on avait préparé toutes nos affaires au cas où.» Réveil à 3h30 pour rallier le gymnase de la ville, loin des fumées. «C’est la première fois qu’on vient en Gironde, ajoute Marie-Anne, assise avec son mari Thierry et sa fille de 14 ans, Chloé. On voit souvent ces images de gens dans des gymnases chez les autres, mais cette fois c’est nous.»
La famille Reutemann, arrivée de Hambourg, en Allemagne, deux jours plus tôt, se concentre sur une partie d’échecs pour occuper les trois enfants. «Nos filles étaient très inquiètes hier soir quand on a été évacués. Comme nous n’avions pas de voiture, nous avons dû attendre un bus qui nous a amenés ici, vers 5 heures du matin», commente Maria, la mère. Non loin, trois amies cyclistes, assises sur leur lit de fortune, assiettes en carton à la main, relativisent. Embarquées dans un périple à vélo depuis La Rochelle jusqu’à Hendaye, Joëlle, Sylvie et Annick ont débarqué à 4 heures du matin, emmenées par des voisins en camping-car, mais ont dû laisser leurs deux-roues derrière elles. Joëlle en rigole : «Finalement, ces lits civières sont plus confortables que nos petits matelas gonflables.»