Le pot d’échappement d’une moto rutilante pétarade dans une rue commerçante de Canggu. Un jeune homme blond conduit l’engin dans la nuit, chemise ouverte, pendant qu’un groupe le filme. A chaque passage, ses amis – des Australiens – lancent des cris de joie. Dans son sillage, trois autres ados débarquent sur des cylindrées noires du même acabit et ajoutent à la cacophonie du soir. Après de longues minutes, ils posent les bécanes et rejouent leurs exploits, déjà partagés sur les réseaux sociaux. Car à Canggu, tout est une question d’image. Leurs motos, d’ailleurs, sont trafiquées par des sociétés spécialisées pour laisser penser au bruit qu’elles roulent à grande vitesse, alors qu’elles plafonnent à 70 km/h. Ces séquences cartonnent sur Instagram et Tik Tok sous les hashtags «pura vida» (que l’on pourrait traduire de l’espagnol par «en pleine forme») et «Bali life», alors les autorités indonésiennes laissent faire. C’est bon pour le tourisme, veut-on croire ici.
Canggu, ancien village de pêcheurs du sud de Bali, a connu une expansion fulgurante en moins de dix ans. Il y a peu encore, les rizières longeaient les plages de sable brun et l’on pouvait observer de magnifiques couchers de soleil sur la côte sauvage. Une île de carte postale, idéalisée dans un film comme Mange, Prie, Aime, une comédie à l’eau de rose dans laquelle une jeune femme (Julia Roberts) en quête de sens tombe amoureuse d’un expatrié (Javier Bardem) dans la moiteur de l’île des dieux. Le