Menu
Libération
Rétention

Centres de rétention administrative : davantage de personnes enfermées, pour plus longtemps et avec plus de violences

Près de 47 000 personnes étrangères faisant l’objet d’une décision d’éloignement ont été enfermées dans des centres de rétention administrative (CRA) en France en 2023, selon un rapport annuel publié ce mardi 30 avril par plusieurs associations.
Au centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes, le 13 juillet 2023. (Albert Facelly/Libération)
publié le 30 avril 2024 à 11h19

Quarante ans après leur création, les centres de rétention administrative (CRA) continuent d’être pointés du doigt. Le nombre de migrants enfermés dans ces structures a augmenté en 2023, tout comme la durée moyenne passée dans ces établissements, ont dénoncé des associations de défense des migrants dans un rapport annuel publié ce mardi 30 avril. Disséminés partout en France, les CRA sont des lieux de privation de liberté dans lesquels sont enfermés les étrangers faisant l’objet d’une décision d’éloignement, dans l’attente de leur renvoi forcé ou de leur libération.

Les cinq organisations – La Cimade, le Groupe SOS Solidarités – Assfam, France terre d’asile, Forum réfugiés et Solidarité Mayotte – précisent que 46 955 personnes ont été enfermées dans des centres de rétention administrative français en 2023, contre 43 565 en 2022. Parmi elles, 16 969 ont été placées dans l’Hexagone et 29 986 dans les Outre-mer.

Un chiffre en augmentation ces dernières années, assure le rapport, qui dénonce «l’utilisation détournée et disproportionnée de ces lieux à des fins sécuritaires». «Des personnes font ainsi l’objet de décisions d’éloignement et sont enfermées en raison de suspicions ou de faits pour lesquels elles n’ont pas été condamnées», poursuivent les associations.

Dans ces établissements, régulièrement critiqués pour leur insalubrité, la durée d’enfermement est limitée à 90 jours, sauf en cas d’activités terroristes. Sur l’année 2023, la durée moyenne en rétention était de 28,5 jours, soit une semaine de plus que l’année précédente. Mais «cela ne permet manifestement pas l’organisation de davantage d’expulsions puisque ce chiffre-là a largement diminué», pointe le rapport. Au total, 35,9 % des personnes été expulsées depuis ces centres en 2023, contre 44,6 % en 2022. «Une part significative des éloignements est réalisée hors CRA, mettant à mal l’affichage politique prétendant que la rétention serait le seul moyen pour permettre les éloignements», fustige le document.

Des violences accrues

Au-delà de la hausse des enfermements, les associations de défense des migrants dénoncent les violences accrues qui ont lieu dans les centres de rétention. Dans ces lieux «de plus en plus sécurisés», il est «de plus en plus difficile de faire valoir ses droits», alerte le rapport, qui assure que «jamais nos associations n’avaient été témoins d’autant d’actes de violence qu’au cours de l’année 2023».

Le texte évoque des violences entre détenus, mais aussi celles commises par les surveillants de police, tout en rappelant que l’année avait été marquée par le décès de quatre personnes.

Concernant les violences policières, les victimes «se heurtent souvent à des difficultés pour signaler ces incidents, soit par crainte de représailles, soit en raison du manque de considération de la part de la direction du CRA», relève le rapport annuel. «Les faits rapportés consistent en des violences physiques, menaces ou insultes à caractère raciste ou homophobe, agressions sexuelles», énumèrent les auteurs.

Faute de caméras dans certains lieux, mais aussi de l’interdiction de téléphones avec appareil photo et du non-respect du port du numéro d’identification - RIO - par des policiers, il serait selon les associations «particulièrement difficile pour les personnes retenues d’étayer leur récit de plainte par des preuves». D’autant plus que, «dans la majorité des cas les personnes ne parviennent pas à obtenir un certificat médical de l’Unité médicale du CRA, attestant leurs blessures».

Face à la montée des violences et au nombre croissant de personnes enfermées, les cinq associations tirent la sonnette d’alarme, estimant que ces pratiques «risquent de s’accentuer avec la loi Asile-immigration du 26 janvier 2024 (…)». Elles appellent désormais le gouvernement à prendre en compte leurs observations, «et à mettre un terme à une politique qui génère de nombreux cas d’enfermement abusif et disproportionné».