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Libération
Consommation d'électricité

Changement d’heure cette nuit : vraie sobriété ou économies «de bouts de chandelle» ?

Dans la nuit de ce samedi 28 au dimanche 29 octobre, la France passe à l’heure d’hiver. Mais près d’un demi-siècle après l’entrée en vigueur de cette mesure, son intérêt suscite toujours le débat.
La Seine, à Paris le 25 octobre 2023. Dans la nuit de ce samedi à dimanche, à 3 heures, il sera 2 heures. (Abdul Saboor/REUTERS)
publié le 28 octobre 2023 à 13h41

Si les smartphones le font automatiquement, il va falloir penser à reculer montres et réveils. Le traditionnel passage à l’heure d’hiver a lieu dans la nuit de ce samedi 28 au dimanche 29 octobre. S’il répond depuis la crise énergétique de l’hiver dernier à la nécessité de réduire la consommation d’électricité, la question des économies réellement réalisées en France s’est posée dès le changement d’horaire saisonnier de 1976. Entre les deux premiers chocs pétroliers, il s’agissait de faire concorder les heures d’activité avec les heures d’ensoleillement afin de réduire l’utilisation de l’éclairage artificiel.

Cette question «fait partie des sujets qu’on ramène comme un marronnier d’automne depuis trente ou quarante ans. Mais les mesurer localement, c’est impossible», répond un praticien de terrain, Jean Revereault, vice-président de l’agglomération du grand-Angoulême (Charente), chargé des questions d’énergie. Sur le chauffage, les dépenses varient très peu en fonction de l’heure d’hiver : «On n’attend pas que les agents soient dans les ateliers ou les bureaux pour mettre le chauffage à leur arrivée, il est mis avant. L’heure d’hiver ne change pas grand-chose. Dans les écoles, c’est pareil», déclare-t-il.

Sur l’éclairage, notamment public, le constat est plus nuancé. D’autant qu’il représente 40 % de la consommation d’électricité des collectivités, avec 11 millions de points lumineux sur l’ensemble du territoire soit l’équivalent de la puissance d’un réacteur nucléaire, relève Enedis, filiale d’EDF qui gère le réseau de distribution d’électricité.

Perturbations des comportements

Pour l’agence de la transition écologique Ademe, en matière d’éclairage, les gains du changement d’heure étaient de l’ordre de 440 GWh en 2009 au plan national, dernière année où les incidences ont été quantifiées précisément. Ces dernières années, ils s’établissent autour de 351 GWh, soit 0,07 % de la consommation d’électricité totale, selon ses estimations.

Critiqué pour les perturbations qu’il entraîne sur les comportements humains ou animaux, le changement d’heure est toutefois revenu en grâce avec la sobriété imposée par la crise énergétique qui a suivi l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ainsi, la consommation d’électricité liée à l’éclairage public a reculé de 12% entre l’hiver 2020-2021 et celui de 2022-2023, selon Enedis.

Il faut dire que les prix du gaz et de l’électricité ont explosé sur la période. Cette crise a toutefois révélé un «phénomène intéressant», observe Thomas Fromentin, président de l’agglomération de Foix-Varilhes, dans l’Ariège, et élu de Foix (9 700 habitants) : les extinctions nocturnes d’éclairage public, pour réaliser des économies d’énergie et protéger la biodiversité, sont désormais «bien mieux acceptées» par les populations. «C’en était presque amusant, notre syndicat d’énergie a été dépassé l’hiver dernier par les demandes des communes voulant faire modifier leur système d’éclairage public pour permettre l’extinction nocturne», sourit l’élu.

«Avant la crise énergétique, dans nos territoires ruraux, l’extinction nocturne était parfois difficile à décider, complète l’élu du Sud-Ouest. C’était souvent vécu comme un retour en arrière parce qu’on a toute une génération qui a attendu l’éclairage public de sa rue, de sa ferme.» Les extinctions nocturnes ou le fait de remplacer les éclairages publics par des leds sont néanmoins «bien plus intéressants» en termes d’économie d’énergie que le seul changement d’heure, relève-t-il.

Harmonisé en Europe

Instauré pour la première fois en France en 1916, ce changement d’heure avait été abandonné en 1944, puis réintroduit par un décret en septembre 1975. Depuis 1998, il a été harmonisé dans tous les pays de l’Union européenne. Sous la pression des opinions publiques nationales, le Parlement européen a voté sa suppression en 2019. Mais celle-ci n’a toujours pas été mise en œuvre, bien que certains élus européens tentent de relancer le sujet. L’idée originelle venait du physicien, écrivain et diplomate américain Benjamin Franklin qui avait rédigé un article en 1784 dans le but d’économiser… les bougies et les chandelles, des produits coûteux à l’époque.