Le gouvernement veut «lutter contre la fraude et responsabiliser les gens pour réaliser des économies». En présentant mi-juillet son coup de rabot de 43,8 milliards d’euros en 2026 pour réduire le déficit public, le Premier ministre, François Bayrou, avait évoqué la fraude aux aides publiques. Dans un entretien publié dans le Parisien ce dimanche 3 août, Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles a présenté les axes du projet de loi contre la fraude sociale attendu à l’automne. «La fraude sociale est une trahison de celles et ceux qui cotisent pour financer notre modèle social», argue la ministre qui évalue le préjudice à 13 milliards d’euros.
Catherine Vautrin s’attaque notamment au sujet du transport sanitaire, qui a coûté 6,74 milliards d’euros en 2024 à la Sécurité sociale, un chiffre en hausse de 45 % depuis 2019. Le projet de loi obligerait les transporteurs à se doter d’un dispositif de géolocalisation et d’un système électronique de facturation intégrée, afin de «garantir l’exactitude des kilomètres facturés». Dans la même lignée, elle veut «mettre un terme aux arrêts de travail prescrits de manière abusive» et envisage d’instaurer «une pénalité pour ceux qui détournent le système et le fragilisent». «Il ne s’agit pas d’empêcher les gens qui sont malades d’être arrêtés. Il s’agit juste de mettre fin aux arrêts de travail non justifiés et de permettre à ceux qui en ont médicalement besoin d’en bénéficier afin d’assurer la soutenabilité de notre système de santé», assure la ministre.
Toutefois, cette proposition indigne les représentants médecins généralistes qui démentent des prescriptions abusives. Interrogé sur France Info ce dimanche, Yohan Saynac, le vice-président du syndicat MG France, pointe plutôt la responsabilité des entreprises. «Il y a des entreprises ou des collectivités dans lesquelles on sait qu’il y a plus d’arrêts de travail que d’autres. Les conditions de travail y sont moins bonnes et il n’y a pas eu d’investissement dans le bien-être au travail», dit-il. Il propose un système de malus pour les entreprises «qui ne joueraient pas le jeu de la responsabilité sociale».
Ouvrir à la Sécu l’ensemble du patrimoine des assurés sociaux
Pour faire la chasse aux revenus non déclarés, la ministre propose de scruter l’ensemble du patrimoine du bénéficiaire. Les caisses de la Sécurité sociale auront par exemple accès à ses propriétés, données bancaires ou assurance vie. «En cas de fraude avérée, nous pourrons demander le remboursement de l’intégralité des sommes indûment perçues, ce qui n’était pas possible aujourd’hui pour le dispositif d’aide au retour à l’emploi, par exemple», précise Catherine Vautrin. L’Etat pourra également «récupérer l’argent dû en débitant le compte bancaire du fraudeur».
Quant aux personnes qui possèdent un compte bancaire situé en dehors de la France ou de l’Union européenne, elles ne pourront plus bénéficier de l’assurance chômage. «C’est un peu compliqué de chercher un travail en France quand vous n’y vivez pas !» estime Vautrin. La ministre veut également interdire le cumul entre revenus illicites et prestations de chômage et majorer la contribution sociale généralisée (CSG) perçue au titre d’activité illicite avec un taux à 45 %. «Aujourd’hui, dans le cas d’un trafiquant qui fait l’objet d’une procédure au cours de laquelle on a trouvé des revenus illicites d’une valeur de 100 000 euros, la Sécurité sociale ne peut récupérer que 9 200 euros au titre de la CSG. Avec un taux à 45 %, on récupérera 45 000 euros», précise-t-elle.
Catherine Vautrin l’assure, ce projet de loi comportera aussi des mesures de lutte contre la fraude fiscale, estimée elle dans une fourchette de 80 à 100 milliards d’euros selon le syndicat Solidaires finances publiques. Soit sept fois plus que la fraude sociale. Ces dernières mesures seront dévoilées plus tard par Amélie de Montchalin, la ministre chargée des Comptes publics. Le gouvernement souhaite que le texte sur la fraude sociale soit débattu au Parlement à la fin du deuxième semestre.