Le 1er février, face à la mission d’information du Sénat sur la sécurité de la chasse, Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs, égrène des statistiques rassurantes : «En vingt ans, il y a une diminution de 65 % des accidents de chasse en général et surtout une baisse de 82 % des accidents mortels.»
Certes, ressasse-t-il, «le risque zéro n’existe pas». D’ailleurs, «une paire de skis peut être aussi une arme mortelle», fait-il valoir dans un périlleux parallèle… Même si les statistiques diffèrent d’une source à l’autre, le patron des chasseurs n’est pas le seul à insister sur l’amélioration de la sécurité autour de la chasse. Ainsi, selon l’Office français de la biodiversité (OFB), «en vingt ans, le nombre d’accidents de chasse a baissé de 46 % et le nombre de décès de 74 %.» Mais ces chiffres encourageants reflètent-ils l’exacte situation ?
Déjà trois accidents mortels cette saison
Rappelons tout d’abord que 428 personnes sont mortes durant les deux dernières décennies, selon les calculs de Libération en novembre 2021. La dernière saison (2021-2022) a provoqué 8 accidents mortels, ainsi que 44 blessures graves et 43 blessures légères. Ces chiffres sont en hausse par rapport à la saison précédente (1 décès et 10 accidents supplémentaires). La saison en cours a quant à elle déjà provoqué trois accidents mortels : le 25 septembre, celui d’un chasseur de 58 ans lors d’une battue aux sangliers dans le Vaucluse. Puis le 16 octobre, celui d’une femme de 67 ans qui accompagnait son conjoint à la chasse dans les Côtes-d’Armor. Dimanche, un chasseur de 56 ans a lui aussi été touché par une balle mortelle dans la forêt de Monieux, dans le Vaucluse.
A lire aussi
Sur les deux dernières décennies, les accidents liés à la chasse évoluent à la baisse. Mais un élément doit être pris en compte : les chasseurs étaient 1,4 million en 2000, contre environ 1 million aujourd’hui. Si le nombre d’accidents se tasse, c’est donc aussi parce que les fusils sont moins nombreux.
«Augmentation de 66 % du nombre de balles tirées»
Qui sont les victimes de ces accidents ? Des chasseurs, le plus souvent. En 2021-2022, ils représentaient près des trois quarts des accidentés ; un quart des blessures étaient même des «auto-accidents». Toutefois le dernier rapport de l’OFB sur la saison 2021-2022 note une «augmentation significative de la proportion de victimes non-chasseurs». Augmentation notable en effet : 26 % des victimes n’avaient rien à voir avec la partie de chasse, contre 12 % en moyenne sur les 20 dernières années. Durant la saison dernière, deux non-chasseurs sont morts (dont une randonneuse de 25 ans), 6 ont été gravement blessés, et 17 légèrement. Depuis le début de la saison actuelle, une mère et ses deux enfants étaient touchés aux jambes par des plombs dans le Rhône le 9 octobre tandis que dans la Drôme, un cueilleur de champignons recevait le même jour une balle dans l’abdomen. Trois jours plus tard, un ado de 17 ans était blessé dans les Deux-Sèvres.
Ajoutons que les chasseurs tirent et tuent des animaux aujourd’hui plus qu’hier : le rapport du Sénat sur la sécurisation de la chasse, publié en septembre, pointe une «explosion du nombre de grands gibiers tués» (+75 % en vingt ans) et une «augmentation de 66 % du nombre de balles tirées». D’autant que les chasses au grand gibier (sanglier, chevreuil) présentent les risques les plus importants : lors de la saison 2021-2022, deux tiers des accidents et 7 décès sur 8 sont survenus durant ce type de chasse. L’âge n’est peut-être pas étranger à de tels drames : le rapport du Sénat évoque des auteurs de tirs mortels âgés de 77 ans, 81 ans, et même de 102 ans. Dans le dernier rapport de l’OFB, on trouve également des auteurs d’incidents (dégâts matériels) âgés de 82 ans, 87 ans et 92 ans. Dans son rapport, la mission sénatoriale a proposé qu’un certificat médical soit exigé chaque année pour la validation du permis de chasser. Pour l’heure, aucun texte n’oblige les chasseurs âgés à raccrocher leur fusil.