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Interview

«Choisir un nom de rue reflète la couleur politique d’une ville, et l’histoire du moment d’un pays»

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A partir de ce samedi 1er juin, toutes les communes ont l’obligation de donner des noms et des numéros aux voies qui en étaient jusque-là dépourvues. Loin d’être anodin, l’adressage revêt un caractère politique et suit les évolutions de la société, explique Jean Rieucau, professeur émérite de géographie.
«Dans les conseils municipaux où cohabitent oppositions et majorité, les changements de noms qui peuvent virer à de grandes batailles», explique Jean Rieucau, professeur émérite de géographie. (Philippe Roy/Aurimages. AFP)
publié le 30 mai 2024 à 7h53

Un panneau et un numéro qui vont bousculer la vie quotidienne de près de 2 millions de Français. En vertu de la loi 3DS adoptée en 2022, toutes les communes auront l’obligation de mettre à jour leur base d’adresses à partir de samedi 1er juin. Chaque habitation devra alors être pourvue d’un nom de rue et d’un numéro choisis par le conseil municipal, avec ou sans consultation de ses habitants. Jean Rieucau, professeur émérite de géographie à l’université Lyon-II et spécialiste de l’odonymie – l’étude des noms de rues –, revient sur le caractère politique de l’adressage, les heurts qu’il peut provoquer et les tendances en la matière.

Comment se déroule l’attribution de nouveaux noms de rues ?

Les municipalités, c’est-à-dire le maire et son conseil, ont tout pouvoir pour choisir des nouveaux noms de rue, et enlever d’anciens noms, par le biais d’un vote à la majorité qualifiée. Il faut simplement obtenir l’aval du préfet. Dans les conseils municipaux où cohabitent oppositions et majorité, ce sont des dossiers qui peuvent virer à de grandes batailles. Il y a vingt ans, ce n’était pas comme ça, tout le monde s’en fichait. Mais aujourd’hui, ça s’échauffe, ça s’étripe, ça s’engueule. Et il y a des conflits car la France vit ce qu’on appelle «un moment mémoriel», avec notamment la mémoire de l’esclavagisme et du colon