«On est dans un monde de fou, et il faut absolument qu’on trouve une solution. Moi, je suis au RSA et on a du mal à vivre. On est tous en colère.» Bénévole au sein des Restos du cœur dans le département des Pyrénées-Orientales, Colombe est une sexagénaire en recherche d’emploi. Le 1er mai à Perpignan, à l’entrée du meeting de la tête de liste RN Jordan Bardella pour la campagne des élections européennes, TF1 capte ses larmes et son désarroi. Sur Internet, la vidéo devient virale, plus de 5 millions de vues. La femme y évoque son engagement dans l’association : «Aujourd’hui, je ne trouve pas de travail, mais je suis bénévole aux Restos du cœur.»
Dès le lendemain, son témoignage est repris par Marine Le Pen, qui tweete : «Quand certains jours la bataille politique nous paraîtra difficile, il suffira de penser à Colombe. Elle nous rappellera toujours pour quoi et pour qui nous nous battons.» A gauche aussi, les mots de la femme font réagir. Léon Deffontaines, tête de liste du PCF pour les prochaines élections européennes, lui adresse une lettre sur X accompagnée de ce texte : «Les mots de Colombe m’ont frappé. J’ai décidé de lui écrire pour entamer le dialogue avec elle. Pour lui démontrer que M. Bardella et le RN sont des faussaires de la question sociale et que la gauche que je représente entend sa colère légitime et veut y répondre.»
«Poussée vers la sortie» ?
Mais ce lundi 6 mai, Colombe n’est plus bénévole aux Restos du cœur. En rejoignant l’association, les membres s’engagent à respecter intégralement une charte. Son article 5 demande aux bénévoles «une indépendance complète à l’égard du politique et du religieux». En évoquant son engagement dans un contexte de meeting politique, Colombe aurait dérogé à cette règle. Dans un communiqué, son avocat, Me Jérémy Kalfon, indique que sa cliente se défend «d’avoir commis toute faute», n’ayant «aucune activité politique active et nullement, dans ses propos, associé l’image des Restos du cœur aux positions ou à l’action du Rassemblement national». Il assure que Colombe aurait démissionné «à contrecœur» après qu’une responsable locale lui aurait intimé vendredi 3 mai «l’instruction de [le faire] à la suite de ses propos du 1er mai». Pour lui, elle a été «poussée vers la sortie».
Chez les sympathisants du RN, les réactions ne se font pas attendre. Sur X, le porte-parole du parti d’extrême droite, Sébastien Chenu, dénonce : «Alors qu’il existe une pénurie de bénévoles dans ce pays, les Restos du cœur ne trouvent rien d’autre à faire que de se séparer d’une bénévole de longue date, qui vient en aide aux personnes dans le besoin, par pur sectarisme.» Même esprit chez l’eurodéputé Gilbert Collard qui qualifie l’association de «sectaire du cœur». Par la voix de son avocat, Colombe, elle, a fait savoir son «souhait de poursuivre son activité associative et de ne pas devenir un symbole politique».
«On n’a pas l’intention de se faire instrumentaliser»
Dans le Figaro, Yves Mérillon, porte-parole national des Restos du cœur, assure que la sexagénaire aurait décidé de partir d’elle-même. «On lui a rappelé un principe qui n’est pas négociable, c’est la neutralité politique. On le rappelle d’ailleurs à nos bénévoles quand ils sont candidats à des élections, ils n’ont pas le droit de faire état de leur bénévolat. On n’a pas l’intention de se faire instrumentaliser par qui que ce soit», affirme-t-il.
Contacté par Libération, le porte-parole n’a pas souhaité communiquer davantage, pas plus que les responsables de l’antenne perpignanaise. Ce lundi 6 mai, un responsable national de l’association réitère à TF1 : «On lui a juste fait un rappel au règlement. […] Peut-être qu’elle s’est sentie poussée dehors. Et donc elle est partie. Il y a une procédure d’exclusion des bénévoles qui n’a pas du tout été enclenchée.»