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Linguistique

Comment prononcer «omicron», le nouveau variant du Covid-19 ?

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Quinzième lettre de l’alphabet grec, omicron a provoqué une petite polémique entre les partisans d’une prononciation à la française et ceux qui estiment que l’on doit entendre le «n» final.
Omicron, le nouveau variant du Covid-19, a été détecté en Afrique du Sud. (Edgars Sermulis/Getty Images/iStockphoto)
publié le 1er décembre 2021 à 10h10

Un nouveau variant du Covid-19 a émergé : B.1.1.529. Pour faire plus simple, comme elle l’a fait avec les précédents variants du virus qui sévit depuis bientôt deux ans, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) l’a baptisé d’une lettre de l’alphabet grec : «omicron» (petit «o»), enjambant les lettres Nu et Xi. Le premier parce que sa prononciation serait trop proche de l’anglais «new» (nouveau) et le deuxième parce qu’il est un nom de famille très commun. Mais voilà, la prononciation d’omicron n’échappe pas à la controverse. Doit-on dire «omicrone», comme c’est le cas en grec, même si cela sonne à l’anglaise, ou «omicron» comme on le ferait avec n’importe quel mot français ? Certains déclarent qu’il faut le prononcer de la première des façons comme le faisaient les Grecs, les autres y voient une regrettable anglicisation. Des remarques qui ont même provoqué une mise au point de la médiatrice de Radio France pour qui les journalistes des radios du groupe ont raison de le prononcer «omicrone».

Pour Diane Cuny, enseignante-chercheuse en grec ancien à l’Université de Tours (Indre-et-Loire), la réponse va de soi : il faut dire «omicrone». «Ce n’est pas tant un problème de grec qu’un problème de français, explique-t-elle à Libération. En français, quand on a «on», on fait une nasalisation mais c’est très rare. Dans la plupart des langues quand il y a «on», on dit «one».» «On ne sait pas comment les Grecs le prononçaient, mais on considère qu’ils faisaient comme font les autres et pas comme en français», ajoute la maîtresse de conférences. «Les Français qui n’ont jamais été confrontés au grec ancien, ils pensent dans les cadres français. Ils disent «on».» Après tout pourquoi pas ? Pourtant la prononciation du nouveau variant du Covid-19, détecté pour la première fois en Afrique du Sud mais qui a été très rapidement séquencé dans d’autres pays, crée un petit débat.

«La controverse ne porte pas sur la langue mais sur ce que représente la langue et donc le rapport à une culture savante», avance James Costa, maître de conférences en sociolinguistique à l’université Sorbonne Nouvelle à Paris. «Il y a un passage très célèbre dans l’Ancien Testament, dans lequel les Guiléadites font prononcer le mot «schibboleth» à tous les gens qui passent, poursuit James Costa. Et en fait, les Ephraïmites [ennemis des Guiléadites, ndlr] le prononcent «sibboleths» parce qu’ils n’arrivent pas à prononcer le «ch» et on leur tranche donc la tête.»

«En sociolinguistique, un schibboleth c’est un trait qui va permettre de distinguer les personnes», souligne le maître de conférences. Pour James Costa, les controverses sur les prononciations ou sur l’usage d’un mot plutôt qu’un autre sont une manière de donner «l’image qu’on a envie de refléter» ou «d’affirmer un statut social». Soit, dans le cas d’omicron : montrer qu’on a fait du grec ancien ou se réclamer d’un purisme vintage en le prononçant à la française.