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Libération
Reportage

Coupures d’eau et d’électricité, isolement, explosion des prix... les Guyanais de Maripasoula «abandonnés par la France»

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La ville à la frontière de la Guyane et du Suriname subit des coupures d’électricité et d’approvisionnement de produits de consommation et d’essence depuis octobre. Les 13 000 habitants se sentent délaissés par Cayenne et la métropole qui tardent à répondre à la crise.
La pirogue reste le seul transport disponible pour les habitants de Maripasoula en Guyane, mais le trajet de deux jours minimum pour rejoindre Saint-Laurent est long et inconfortable. (Emile Boutelier )
par Emile Boutelier, Envoyée spéciale à Maripasoula
publié le 4 décembre 2022 à 14h35

Etendue sur la tourbe du Lawa, affluent du fleuve Maroni qui fait office de frontière avec le Suriname et se jette dans l’Atlantique à 200 kilomètres en aval, Maripasoula semble en avoir pris le rythme et la langueur. Seules les carcasses carbonisées de voitures devant l’antenne locale de la collectivité territoriale de Guyane (CTG) laissent imaginer l’ampleur de la crise dont la commune sort à peine : des premiers jours d’octobre à la fin du mois de novembre, les 13 000 habitants de cette ville, la plus étendue de France, ont été quasiment coupés du littoral. Alors que l’Etat français est tenu à un impératif de continuité territoriale et d’égalité des territoires, les habitants de Maripasoula, déconnectés des réseaux routiers et d’électricité, se sentent laissés-pour-compte.

Tout débute le 3 octobre, lorsqu’une avarie des générateurs, insuffisants et vétustes, de la centrale thermique prive la ville d’électricité pendant trois jours. «Imaginez : pas de lumière, pas de ventilateur alors qu’il fait 40°C la nuit ; les arrière-cuisines envahies par l’odeur des viandes qui pourrissent dans les congélateurs ; des coupures d’eau ; le boulanger qui ne peut plus faire de pain… Et vous auriez voulu qu’on reste tranquilles ?» s’indigne Christopher (1), un jeune Boni, l’ethnie majoritaire des noirs-marrons, les descendants d’esclaves évadés des plantations.

Comme Christopher, plus d’une centaine de personnes, galvanisées par des groupes WhatsApp créés pour l’occasion, se regroupen