En quelques mois, ce trafic d’un nouveau genre a pris une ampleur inégalée en France. Selon les dernières données communiquées par le ministère de l’Intérieur, les investigations menées par la police et la gendarmerie ont permis de mettre au jour, au 30 décembre, 192 483 faux pass sanitaires.
Des chiffres qui ne prennent pas en compte les faux QR codes, simples imitations ne renvoyant vers aucune information de vaccination et donc inutilisables. Ni les vrais certificats usurpés par une ou plusieurs personnes, suite à un prêt, une duplication ou un vol. Il s’agit en l’espèce de «vrais-faux» pass intégrés frauduleusement dans la base de l’assurance maladie et quasiment indétectables par les professionnels de santé.
Alors que le nombre de contaminations par le variant omicron bat des records et que la pression s’accentue sur les services hospitaliers, le phénomène apparaît comme une préoccupation majeure pour les autorités sanitaires.
Fournisseurs et rabatteurs
Un trafic organisé par des médecins peu scrupuleux ou des petits groupes d’individus ayant réussi à pénétrer le système informatique. Actuellement, 435 enquêtes judiciaires sont ouvertes sur l’ensemble du territoire, certains des réseaux identifiés pouvant générer à eux seuls plusieurs milliers de faux pass sanitaires, généralement revendus sur les réseaux sociaux.
En dehors des investigations policières classiques, l’assurance maladie a recours à des techniques d’analyse statistique poussées pour tenter de repérer des anomalies dans sa base de données et identifier les fraudeurs. Des recherches qui ont déjà entraîné 223 actions contentieuses concernant 795 individus. Très loin, toutefois, du nombre de faux pass en circulation.
Comme pour la drogue, le trafic de faux pass est segmenté entre les fournisseurs, les rabatteurs, les intermédiaires et les clients finaux, prêts à débourser entre quelques dizaines et plusieurs centaines d’euros pour obtenir un vrai-faux QR code. Avec une différence notable cependant : les réseaux à l’œuvre apparaissent moins structurés et professionnels que ceux relevant de la criminalité organisée classique. De la petite délinquance, en somme, mais possiblement responsable de gros ravages en termes de santé publique.
Priorité gouvernementale
Impossible de connaître précisément le nombre de personnes ayant recours à ces vrais-faux pass, les chiffres communiqués par l’Intérieur étant par nature sous-estimés. Début janvier, le ministre de la santé, Olivier Véran, a indiqué à l’Assemblée nationale que 5% des personnes hospitalisées pour Covid étaient des «faux vaccinés». Difficile cependant, au-delà de ces statistiques controversées, d’isoler des chiffres fiables.
Seule certitude : la lutte contre les fraudeurs et les titulaires de faux pass est devenue une priorité gouvernementale, comme en atteste la sévérité accrue des sanctions pénales. Utiliser, procurer ou vendre des faux pass sanitaires, notamment via les réseaux sociaux, est désormais passible de cinq ans de prison et de 75 000 euros d’amende (le double de cette somme pour les faussaires).
Enquête
Le législateur a toutefois prévu une porte de sortie pour les utilisateurs hors-la-loi souhaitant se mettre en règle. Un dispositif de «repentir» a en effet été intégré par amendement au projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire. Jeudi, députés et sénateurs ont échoué à trouver un accord sur le texte, qui va devoir repartir pour une navette entre Assemblée et Sénat.
S’il est définitivement adopté, les personnes détentrices d’un faux pass pourront échapper à la sanction si elles se font injecter une première dose de vaccin dans les trente jours suivant la commission de l’infraction. Une disposition transitoire est même prévue afin de permettre aux personnes ayant commis ces infractions avant l’entrée en vigueur de la loi de bénéficier de la mesure. Reste à savoir si le passage du pass sanitaire au pass vaccinal va permettre de mettre un terme à ces escroqueries. Le dispositif technique étant sensiblement le même, rien n’est moins sûr.