Des trombes d’eau, des disparitions et des questions. Les pluies équivalentes par endroits à deux mois de précipitations qui se sont abattues samedi sur une large partie du Sud-Est ont emporté neuf personnes, dont deux enfants, dans le Gard, l’Ardèche et l’Hérault. Dans le Gard, le corps du garçon de 12 ans, a été découvert «en fin de matinée» ce vendredi 15 mars par les militaires du groupement de gendarmerie du Gard, précise dans un communiqué la procureure de Nîmes Cécile Gensac. Cette découverte porte à huit morts le bilan des intempéries.
Mercredi, le corps d’une enfant «correspondant» au signalement de la fillette de 4 ans disparue dans le Gard avait été découvert, deux jours après le corps du père le long du Gardon. Mardi 12 mars au soir, un autre corps avait été retrouvé en Ardèche. Il a été identifié comme étant l’homme qui avait disparu après les fortes intempéries du week-end, a indiqué ce jeudi 14 mars le parquet de Privas. Le corps avait été signalé par des chasseurs et des proches de l’homme, responsable d’une centrale hydroélectrique, porté disparu depuis samedi soir à Saint-Martin-de-Valamas. «C’est bien le corps du responsable de la centrale hydroélectrique» repêché mercredi par les secours dans l’Eyrieux, a ainsi déclaré la procureure Cécile Deprade.
Trois corps avait d’abord été retrouvés dimanche dans le Gard. Lundi après-midi, la préfecture de l’Hérault avait annoncé la découverte d’une nouvelle dépouille, celle d’un octogénaire. Malgré l’alerte orange déclenchée par Météo-France à l’arrivée de la dépression Monica, la majorité des victimes ont disparu alors qu’elles se trouvaient dans des voitures franchissant des ponts submersibles sur des cours d’eau en crues.
Trois incidents distincts
D’importants moyens de secours sont déployés pour les retrouver, avec des équipes cynophiles, des drones, des plongeurs et plusieurs hélicoptères. «C’est quelque chose de particulièrement dramatique que vivent ces deux départements», a regretté le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, ajoutant qu’ils ne pouvaient pas se «prononcer sur le statut» des disparus, bien que «les véhicules aient été retrouvés».
Interview
Depuis le début des fortes intempéries, trois incidents distincts se sont produits dans le Sud-Est. Samedi peu avant 20 heures, un automobiliste belge a été emporté dans les alentours du village de Gagnières, à une trentaine de kilomètres au nord d’Alès. Connaissant pourtant la région pour y habiter depuis douze ans, l’homme de 62 ans a emprunté un pont submergé, en dépit de la fermeture de la route par la municipalité et de la demande directe d’un policier municipal de ne pas s’y engager. Sa dépouille a été retrouvée en milieu d’après-midi ce dimanche.
Son beau-fils, un Belge de 42 ans, se trouvait aussi dans la voiture, mais a réussi à s’en extirper avant qu’elle ne soit emportée par les flots de la Ganière. Il a ensuite trouvé refuge dans un arbre plus de deux heures, avant d’être secouru par les pompiers. Leur voiture, un 4x4, a été localisée dans la matinée, «dans le lit de la rivière, échoué contre une passerelle piétonne, à 300 mètres environ de son point de départ», selon Midi Libre.
Vers 23 h 30 à une soixantaine de kilomètres plus au sud, vers Nîmes, un père et ses deux enfants de 4 et 13 ans ont été emportés près du bourg de Dions. Après s’être là aussi engagée sur un pont submersible, la famille a juste eu le temps d’appeler brièvement les secours avant que leur véhicule ne soit piégé par les eaux en crues du Gardon. La mère, qui se trouvait aussi dans la voiture, est la seule à avoir été retrouvée par les sauveteurs, avant d’être hospitalisée. Les autorités ont annoncé ce lundi matin avoir retrouvé un corps, sans doute celui du père.
Enfin, dimanche à 5 heures du matin à une quarantaine de kilomètres au nord-est, deux autres personnes ont disparu sur la commune de Goudargues. Une fois encore en franchissant un pont submersible. Les deux femmes, âgées 47 et 50 ans, se rendaient en Espagne. Elles avaient réussi à joindre les secours avant que la communication ne soit interrompue, alors que leur localisation GPS bornait sur une structure enjambant la rivière de l’Aiguillon. Leurs corps sans vie ont été retrouvés dans leur voiture, a fait savoir la préfecture du Gard en début de soirée.
Enfin, la préfecture de l’Hérault a annoncé dans un message publié sur X (ex-Twitter) ce lundi après-midi que deux personnes supplémentaires avaient été emportés ce week-end. «Un homme a été retrouvé décédé à Pézenas au milieu du fleuve Hérault sur un tronçon qui était en vigilance jaune crues». La victime, découverte à proximité de son véhicule inondé, est un homme de 87 ans, a précisé le procureur de la République de Béziers Les pompiers et les gendarmes mènent des recherches «à proximité» dans le but de «retrouver une jeune femme qui aurait pu l’accompagner». Les deux avaient été vus ensemble dans un commerce, dimanche en fin d’après-midi, par les caméras de vidéosurveillance de l’établissement. Celle-ci n’ayant pu être identifiée et donc contactée, son image captée par la caméra va être diffusée dans le cadre d’un appel à témoins, afin de vérifier si elle était ou non à bord du véhicule de l’octogénaire lors de l’accident, dont l’horaire n’est pas connu, a précisé le procureur de la République de Béziers, Raphaël Balland,
«Comportement dangereux»
Alors que Gérald Darmanin a évoqué un total de «35 sauvetages» menés par les secours, il est encore impossible de dire si ces disparitions relèvent du défaut de prévention et de sécurisation des ponts, ou bien alors de l’inconscience des conducteurs. «Ces ponts sont très communs dans le sud de la France, très connus des gens. S’ils sont balisés avec des panneaux de danger, […] si les autorités locales les ferment, ce n’est pas pour rien», a martelé le lieutenant-colonel Francis Comas, de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, sur BFMTV. La préfecture du Gard a d’ailleurs regretté «des comportements dangereux, d’abord pour les personnes qui s’exposent, mais aussi celles dont le devoir est d’aller leur porter secours», estimant qu’un tel épisode ne s’était pas produit dans le département depuis une dizaine d’années.
Le Gard et six autres départements avaient été placés samedi en vigilance orange par Météo-France en raison de l’épisode de très fortes précipitations lié à la tempête Monica qui a balayé un grand quart sud-est de la France. Le niveau orange est le troisième sur une échelle de quatre et appelle le public à être «très vigilant», en raison de «phénomènes dangereux prévus». Il est notamment recommandé d’éviter de se déplacer ou de s’approcher des cours d’eau.
Car «dès 20 cm d’eau sur une voix immergée, un véhicule, même très puissant, peut être emporté», a rappelé sur le porte-parole de la Sécurité civile Sébastien Paletti à l’antenne de BFMTV. Selon le lieutenant-colonel Francis Comas, «il suffit que l’eau rentre dans le pot d’échappement, le moteur cale, vous n’avez plus de puissance, et ça va très très vite. Il suffit ensuite qu’un simple morceau de bois appuie sur le côté de la voiture pour la faire partir sans aucun souci».
Durant ce troisième épisode méditerranéen en quelques semaines, les cumuls de précipitations ont été localement très importants, souligne Météo-France. «En Ardèche 224 mm ont été mesurées à La Souche (330 mm sur 48H). Les 100 mm sont atteints dans les plaines gardoises». Si les pluies doivent se calmer, le niveau des cours d’eau continue à monter.
Par ailleurs, avec le début de grandes marées qui s’annoncent importantes cette année, l’ensemble du littoral depuis les Pyrénées-Atlantiques jusqu’au Finistère est placé en alerte jaune. Les marées ont déjà eu des conséquences tragiques : un octogénaire est mort noyé ce dimanche en début d’après-midi, piégé par la montée des eaux pendant qu’il pêchait sur l’île de Ré, selon France bleu.
Mise à jour : lundi à 16h15, avec l’ajout de la déclaration de la préfecture de l’Hérault ajoutant un mort et une disparue ; mardi à 14h35 avec le corps de la fillette retrouvé ; mercredi à 9h20 avec le corps d’un homme retrouvé en Ardèche ; ajout ce jeudi 14 mars de l’identification du corps retrouvé en Ardèche ; vendredi 15 mars avec la découverte du dernier corps.