Des paysages ravagés, des quartiers entièrement soufflés et des tas de tôles à perte de vue… Des rafales de vent à plus de 220 km/h ont dévasté Mayotte au matin du samedi 14 décembre. Le bilan humain reste incertain, mais plusieurs bidonvilles ont été détruits. Dans le département le plus pauvre de France, une personne sur trois, soit plus de 100 000 individus, logerait dans une habitation précaire. Manon Gallego, cheffe de la mission France de l’association Solidarités International, craint une pénurie d’eau potable sur l’île et déplore une situation sanitaire catastrophique.
Quelle est la situation sur place ?
Nos équipes à Mayotte ont visité ce lundi 16 décembre quatre centres d’hébergement d’urgence [l’archipel en compte 71, ndlr]. Sur les quatre, un seul a accès à l’eau potable, et deux autres ont reçu des bouteilles d’eau. Dans les trois-quarts des centres, les sanitaires sont inutilisables, les sinistrés doivent faire leur besoin à l’air libre. Nos équipes ont également constaté des états grippaux chez la grande majorité des enfants. Le réseau de distribution d’eau potable n’est pas en état de marche, et ne va pas l’être avant plusieurs jours. Il faut sécuriser l’eau consommée au plus vite pour éviter une épidémie sur l’île.
Avez-vous une indication sur le nombre de victimes ?
On ne le connaît pas encore. Nos équipes nous rapportent des rues vides. Beaucoup de Mahorais manquent à l’appel, c’est très inquiétant.
Quels sont les besoins sur l’île ?
Ils sont très importants. L’ensemble de l’habitat précaire est à terre. Il y a des besoins vitaux de secours et de soins, mais aussi des besoins en hébergement d’urgence pour tous les sinistrés, et des besoins de base comme de la nourriture et de l’eau potable.
Où en est-on du relogement des personnes sinistrées, de l’accès à l’eau et à la nourriture ?
Les centres d’hébergement qui ont été ouverts juste avant le passage du cyclone vont continuer de fonctionner. Certains supermarchés ont pu ouvrir pour permettre l’accès à des articles alimentaires de base. Et la remise en état du service d’eau potable sera conditionnée à celle de la remise en service de l’électricité sur l’île.
Comment ces pénuries auraient-elles pu être évitées ?
Avant le passage du cyclone, il y avait déjà des coupures d’eau potable, parfois jusqu’à trois jours par semaine et accompagnées d’un rationnement par quartier. Lors de l’alerte, vendredi 13 décembre, la préfecture a donné comme consigne de stocker un maximum d’eau à l’intérieur des logements. Beaucoup de ces maisons se retrouvent désormais à terre, on ne sait pas ce que sont devenues ces réserves d’eau.
Comment s’est passée l’évacuation des bidonvilles avant l’arrivée du cyclone ?
Dès qu’on a eu connaissance des lieux d’hébergement d’urgence, on a fait passer l’information à nos relais communautaires afin de sensibiliser la population de ces quartiers pour qu’ils aillent s’y mettre à l’abri.
Pourtant, en dépit des alertes, certains Mahorais sont restés chez eux…
C’est juste. L’île n’a pas connu de cyclone d’une telle ampleur depuis quatre-vingt-dix ans, deux voire trois générations sont passées. Les réflexes et les habitudes à avoir dans ces situations n’étaient plus ancrés chez les générations d’aujourd’hui. Il y a eu une perte de la culture du risque qui a amené plusieurs personnes à sous-estimer l’impact du cyclone Chido. Certains sans-papiers ont pu aussi craindre d’être expulsés par les autorités lors de leurs arrivée dans les centres d’hébergements d’urgence. Mais nos équipes sur le terrain ont surtout rencontré des personnes refusant de partir de leur logement pour les protéger des pillages.