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Vigilance

Dans l’attente d’annonces, les centres sociaux en difficulté restent «mobilisés»

Après une mobilisation fin janvier, ces structures qui bénéficient à près de 5 millions de personnes espéraient une liste de mesures lors d’une réunion avec leurs partenaires jeudi 7 mars. En vain.
Lors d'une manifestation pour les centres sociaux, à Pau, le 31 janvier. (Quentin Top/Hans Lucas)
par Yassine Karchi
publié le 8 mars 2024 à 16h27

Il faudra encore patienter. «Tant qu’on n’a pas les montants, chiffrés à 64 millions d’euros pour les besoins sur 2024, la situation reste très clairement préoccupante pour les centres sociaux», alerte Tarik Touahria, président de la Fédération des centres sociaux et socioculturels de France (FCSF). Jeudi 7 mars, il était présent lors d’un rendez-vous en présence de Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, et de plusieurs branches de la sécurité sociale. La présence de la fédération à cet événement était motivée par une raison essentielle : plaider la cause des «centres sociaux en grandes difficultés», explique Tarik Touahria.

Faire plus avec moins

Fin janvier, ces structures de proximité, qui sont plus de 2 000 à travers la France, tiraient la sonnette d’alarme sur leur situation devenue intenable. Parents et enfants structures ont participé aux manifestations, pour soutenir ces lieux de lien social qui les accompagnent au quotidien, en proposant des activités sociales, culturelles et familiales. Les chiffres sont inquiétants : dans une enquête réalisée fin février, la Fédération des centres sociaux de France estimait que deux tiers des centres sociaux ne pouvaient plus répondre à certaines missions fondamentales et que plus de la moitié des structures envisageaient une réduction voire un arrêt d’activité. Alerter sur cette impossibilité de remplir leurs missions était un enjeu de la réunion du 7 mars.

Au cœur de cette tension : le budget des centres sociaux. Avec l’inflation, la guerre en Ukraine et la hausse des prix de l’énergie, ces structures sont face à une équation impossible : faire plus avec moins. Selon les chiffres de la FCSF, en 2022, 637 structures avaient un déficit moyen de 31 000 euros. Toujours selon la fédération, 60 % des structures s’attendent à un déficit en 2024, contre 37 % en 2022. Au fil des mois, l’augmentation continue des charges a mis en péril la capacité des structures à agir. Stéphane Manka, directeur du centre social Yannick Noah à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine) témoigne ainsi d’«une incertitude pour équilibrer le budget 2024 de la structure». A la tête du centre depuis six ans, cet artisan du lien social se montre particulièrement soucieux «de répondre aux besoins des habitants». «Cela peut notamment relever l’accueil de la petite enfance, de l’accompagnement aux familles, de la lutte contre la fracture numérique, ou encore de l’accès aux droits», précise-t-il Si les frais de fonctionnement de son centre, estimés à 120 000 euros pour 2024, n’étaient pas entièrement couverts, Stéphane Manka envisagerait deux scénarios inquiétants : «Soit il y a des postes qui peuvent être supprimés ou soit il y a des activités qui peuvent être arrêtées partiellement ou pleinement.»

«Pas suffisamment» de choses faites

Gilles Leproust, président de l’Association des maires ville & banlieue, craint aussi les conséquences de la «situation de plus en plus compliquée» des centres pour les habitants. D’après la FCSF, au moins 4,8 millions d’habitants bénéficient des activités proposées par les centres sociaux, implantés pour les trois quarts en zone urbaine, dont 44 % dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. «Heureusement que le centre social est là pour permettre de faire rêver les enfants sur des activités diverses et variées. Il y a une volonté que chacun et chacune qui ouvre la porte d’un centre social puisse en être le plus possible un acteur», relate Gilles Leproust, avant de regretter «des choses aient été faites, mais pas suffisamment».

Les centres sociaux attendaient des annonces après leurs mobilisations. Mais, malgré des engagements et des signaux positifs, la FCSF attend qu’une stratégie «se décline de manière chiffrée», pointe Tarik Touahria. Les efforts doivent être mis pour «sensibiliser les élus à la question de l’augmentation des financements, mais aussi au mode de contractualisation en arrêtant de faire tout le temps des appels à projets», selon le président qui appelle à «rester vigilant et mobilisé» quant à l’avenir de ces structures. Pour l’heure, «c’est le regard des habitants qui nous félicitent régulièrement pour notre travail» qui fait garder espoir à Stéphane Manka, directeur du centre social d’Asnières. «Ce lien qu’on a avec la population nous permet de tenir.»