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Gestion des déchets

Dans le Verdon, un projet de «décharge XXL» contesté

Face au potentiel agrandissement d’une déchetterie et d’une plateforme de recyclage de déchets du BTP située au sud du parc naturel, dans le Haut-Var, les opposants organisent une manifestation ce samedi 14 décembre.
Le parc naturel des gorges du Verdon, dans les Alpes-de-Haute-Provence. (Michel Cavalier /Hemis. AFP)
publié le 14 décembre 2024 à 17h15

Ce n’est déjà plus un coin à champignons. Au creux d’un vallon, dans ce bois d’Aups (Var), une carrière, une déchetterie professionnelle et une plateforme de recyclage de déchets du BTP ont fait leur trou depuis plusieurs années. L’entreprise Terra 83 envisage d’agrandir ce site pour créer «un écopôle» avec un centre de tri d’une capacité de 40 000 tonnes par an et une installation de stockage de déchets non dangereux de 100 000 tonnes. Le projet ne pousse pas paisiblement sur cette parcelle du Haut-Var.

Les opposants prévoient une «méga manifestation» contre «la décharge XXL» ce samedi 14 décembre alors que les porteurs de projet organisent la dernière réunion publique lundi. Les premiers dénoncent la «disproportion» d’un «projet pharaonique» quand les seconds s’évertuent à répéter qu’il s’agit plutôt d’un «site de taille moyenne» dans une forêt «anthropisée». On est à la phase de concertation. Si elle aboutit, la décharge s’implantera à l’extrémité sud du parc naturel du Verdon, à 20 kilomètres à vol d’oiseau de ses gorges turquoise et touristiques.

Une trentaine de camions par jour

Terra 83 est une association entre Sartorius, exploitant de carrière et spécialiste du déchet BTP, et le leader du recyclage Paprec. Cette entreprise s’appuie sur le Sraddet, le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, une planification stratégique qui fixe les orientations régionales, notamment en termes de gestion des déchets. «Dans la région Paca, il y a un déficit d’installations, argumente le directeur du projet, Nicolas Moretti. Actuellement, les déchets partent dans les régions limitrophes. Il y a un déséquilibre, avec énormément de très gros sites autour de Marseille. L’intérêt du site d’Aups, c’est qu’il est limitrophe du bassin azuréen.»

Les déchets parcourront au maximum 100 km. Le trafic représentera une trentaine de camions par jour, dont on assure que leur itinéraire évitera les centres-bourgs, le flux de camions étant la première inquiétude des opposants. L’autre point de crispation est le déboisement. «Une extension de huit hectares entraînera des conséquences sur les milieux naturels qui bordent le site actuellement exploité […] où plusieurs espèces protégées et menacées sont potentiellement présentes, telles que le lézard ocellé», exposent les responsables du parc du Verdon, qui rejettent le projet.

C’est en partant à la cueillette aux champignons que William Hitchcock a eu une vue plongeante sur le site. «Depuis les hauteurs, je voyais la carrière, décrit cet habitant de 34 ans, membre du collectif contre la décharge. Autour, il n’y a pas une maison. Que de la forêt à perte de vue.» Lui s’inquiète de «ce changement d’échelle», de la qualité de «l’eau de source», du «transport des ordures ménagères». C’est que ce coin de l’Hexagone compte «un plus beau village de France» et «des reportages chaque année sur TF1 sur les truffes».

«Le Haut-Var a déjà payé pour beaucoup de choses, estime-t-il. Un village a été englouti pour la création du lac de Sainte-Croix et une zone est interdite d’accès pour le grand camp militaire Canjuers.» La mobilisation citoyenne est déjà arrivée à retoquer des projets d’éoliennes et de gaz de schiste. Quand il est au téléphone avec Libération, Christophe Deligny est au volant de sa voiture pour chercher «des piquets pour faire des banderoles». «Les pourtours sont déjà industrialisés, reconnaît cet agriculteur, président de l’association Terra Viva et membre du collectif contre la décharge. Mais ce n’est pas parce que c’est déjà à moitié pourri, qu’on peut continuer à pourrir le coin. Ce côté double peine est injuste.» Les deux opposants ne se rendent plus aux concertations publiques de Terra 83. «Il y a un dialogue sur les bricoles, dit Christophe Deligny. Mais sur les grandes lignes, comme le volume des déchets, c’est acté.»

«Le bon sens voudrait que tout soit géré au niveau local»

Rien n’est signé pour Terra 83. L’entreprise est suspendue à la décision du conseil municipal d’Aups qui devrait avoir lieu en janvier. La parcelle est communale. «Si on ne délibère pas, rien ne se fait, dit le maire sans étiquette Antoine Faure. Ce qui nous interpelle, c’est la dimension du projet industriel.» L’affaire devient politique pour les villages alentour. Le conseil municipal de Tourtour a voté une motion contre le site d’enfouissement et celui de Salernes se mobilise contre le projet.

«Ce site a été choisi parce que des activités sont déjà existantes, soutient encore Nicolas Moretti de Terra 83, qui prévoit la création d’une vingtaine d’emplois. Ce n’est pas le terroir dans le sens où on peut l’entendre. Il n’y avait pas un champ d’oliviers.» L’autre directeur, Christophe Cauchi, relève que «le PLU [plan local d’urbanisme, ndlr] est compatible.» Pour l’instant, aucun dossier n’a été déposé à la préfecture du Var. Tous deux assurent que les déchets seront «dans des casiers», promettant «une étanchéité sur le côté» et une «couverture sur le dessus».

Derrière ce projet de décharge, c’est la question de la gestion des poubelles qui s’ouvre. Le député RN Philippe Schreck demande au ministère de l’Ecologie un moratoire sur les déchets dans le Var. Pour William Hitchcock, «le bon sens voudrait que tout soit géré au niveau local», sans transport de déchets à travers la région. Sauf que personne ne veut une décharge en voisinage. «Mon souhait, qui ne marche pas, c’est une prise de conscience sur la problématique de la production de déchets, formule Antoine Faure. Il faut qu’il y ait un projet comme celui-là pour qu’on commence à réfléchir à la quantité de déchets qu’on produit.»