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Dans les Yvelines, le Versailles en toc où séjourne Mohammed ben Salmane

Le prince saoudien, invité à dîner ce jeudi soir à l’Elysée par Emmanuel Macron, a fait escale dans le «Château Louis XIV», sa fastueuse propriété construite par la société d’Emad Khashoggi, un homme d’affaires né au Liban et cousin du journaliste du même nom sauvagement assassiné en 2018.
Des agents de police sécurisent l'entrée du Château Louis XIV à Louveciennes où séjourne le Prince Mohammed ben Salmane, le 28 juillet 2022. (Julien de Rosa/AFP)
publié le 28 juillet 2022 à 17h30

C’est un écrin de verdure, de calme et de dorures dans le département des Yvelines, à une vingtaine de kilomètres de la capitale. Un palais de 7 000 m², construit à Louveciennes, une commune cossue proche de Versailles, inspiré du château de Vaux-le-Vicomte, construit au XVIIe siècle pour Nicolas Fouquet, surintendant des finances de Louis XIV. Un parc de 23 hectares et des jardins à la française, où a également été reproduit le bassin d’Apollon du château de Versailles, avec des statues dorées à̀ la feuille.

«Si le Château Louis XIV est un palace, c’est aussi une demeure qui offre à ses résidents le plus grand confort contemporain», indique le site de la société Cogedam, le promoteur à l’origine de cette fastueuse propriété. Le locataire des lieux peut ainsi profiter de l’aquarium géant, de la salle de cinéma, d’une discothèque, des fontaines modulables via un smartphone, etc. Selon l’AFP, c’est ici que séjourne depuis mercredi soir le prince saoudien Mohammed ben Salmane, propriétaire des lieux depuis 2017, comme le révéla à l’époque le New York Times. Sanglante ironie, ce château fut construit par un cousin du journaliste Jamal Khashoggi, dont l’assassinat sordide le 2 octobre 2018 fut ordonné, selon la CIA, par «MBS». Après cette escale dans les Yvelines, l’héritier du royaume doit dîner ce jeudi soir à l’Elysée en compagnie d’Emmanuel Macron.

Un château à 275 millions d’euros

L’histoire de cette luxueuse demeure remonte à 2008. A l’époque, l’homme d’affaires Emad Khashoggi tombe sous le charme de ce terrain en bordure de forêt, comme le racontait Capital en 2015. Avec sa société d’immobilier de luxe Cogedam, il achète le parc et lance la construction d’un château inspiré du siècle du Roi Soleil. Le projet est confié à Pierre Bortolussi, architecte en chef des monuments historiques.

Le cahier des charges donne le ton : «construction d’un château à usage d’habitation privée, inspirée des modèles classiques français de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe», «édifice entouré de douves en eau, comprenant cave enterrée, deux niveaux et combles comprenant toutes les installations techniques», «toitures en ardoises aux clous», «ouvrages particuliers en cuivre, plomb et dorures», etc. Pendant trois ans, des centaines d’artisans se succèdent au chemin des Gressets, bordé par une forêt domaniale, où se trouve le chantier. «C’est du sur-mesure à 100 %, glisse le promoteur au Parisien, en 2010. On vend le projet de A à Z clé en main, mobilier compris.» En juin 2011, le «Château Louis XIV» sort de terre. «Un pastiche hyperkitsch», moque alors le Point dans un entrefilet.

Emad Khashoggi est un jet-setteur né à Beyrouth en 1968. Leur grand-père, avec Jamal, le chroniqueur du Washington Post assassiné en 2018, était le médecin personnel du roi d’Arabie Saoudite, racontait une enquête du Monde en 2018. Leur oncle, Adnan Khashoggi, un richissime marchand d’armes et intermédiaire sulfureux aujourd’hui décédé, a longtemps été décrit comme l’homme le plus riche de la planète. En Arabie Saoudite, la famille Khashoggi a toujours entretenu des liens étroits avec la dynastie au pouvoir. C’est le père d’Emad, Adil – le frère d’Adnan –, qui l’embarque dans ses affaires immobilières au début des années 1990. Sur la Côte d’Azur, il apprend le métier en gérant la construction d’immenses villas, comme le Palais Vénitien à Cannes.

En 2015, l’agence Bloomberg révèle la transaction dans les Yvelines, effectuée chez Christie’s et chiffrée à 275 millions d’euros. La presse évoque alors un «particulier du Moyen-Orient». Des yeux se tournent alors vers le Qatar et les propriétaires du Paris Saint-Germain. Ces derniers démentent rapidement. Il faudra attendre les révélations des «Paradise Papers» pour connaître les coulisses de l’opération et l’identité du nouveau propriétaire.