POLITIQUE FRICTIONS
Jusqu’à la veille du premier tour des élections législatives, «Libé» sillonne des lieux de la vie quotidienne pour saisir et raconter ces moments de discussion impromptue où, soudain, la politique fait irruption.
Avec ses voisins, Jocelyn préfère ne pas parler de politique. «Ça évite les fâcheries», juge cet ancien instituteur de 76 ans. Surtout avec son voisin de table. «Lui qui rigole jamais, qui gueule tout le temps, il a rigolé aux résultats des élections européennes ! C’est un bourgeois zemmourien. Moi, ça m’a pas du tout fait rire», lâche-t-il depuis le hall de l’Ehpad La Bonne Eure, à Bracieux (Loir-et-Cher), en désignant un monsieur assoupi sur son fauteuil roulant.
Pour ces résidents, dont beaucoup sont nés entre les années 20 et 40, la politique relève souvent de l’intime. Pas question de dire pour qui on vote, ni même de s’étaler sur ce qu’on pense. «Ici, les anciens sont complètement paumés, ils ne sont au courant de rien du tout et ils en veulent à la jeunesse. Un jeune qui ne travaille pas, c’est parce qu’il ne cherche pas de boulot, ça m’agace très fortement, poursuit Jocelyn, plus jeune que nombre d’habitants de l’établissement. Je laisse courir ou je dis que ce sont des conneries.»
A Bracieux, village d’environ 1 300 habitants situé entre les châteaux de Chambord et de Cheverny, Jordan Bardella est arrivé en tête aux européennes, avec 36,73 % des votes. Peu ou prou son résultat à l’échelle du Loir-et-Cher (37,21 %). «Il est pas mal comme mec. Déjà pour sa jeunesse, et puis il n’est pas con», estime Andrée, 89 ans, qui a «toujours voté», sans varier de ligne, refusant de préciser pour quel parti ou bord politique. Et si l’eurodé