Anne-Lise (1) aime les jolies expressions. Elle utilise avec soin le terme «vivre-ensemble». Puis elle met du temps à exposer sa pensée. «Avec ce vote, parfois, je ne me sens plus à ma place», finit-elle par exprimer. Et immédiatement : «Ah, ça fait du bien d’en parler ! Je me sens libérée.» On rencontre Anne-Lise dans le quartier prioritaire de l’Ariane à Nice. Cette fille de harkis vit mal la période électorale. Elle rumine le score élevé du Rassemblement national (RN), les débats exacerbés sur les plateaux télé, la campagne débridée, les reportages aux propos libérés. «Il y a beaucoup de racisme, expose la Niçoise de 59 ans. Et ça empire avec tout ce qui se passe.» Elle répète : «C’est dommage.» Surtout pour le vivre-ensemble.
Anne-Lise a mené conjointement une carrière d’aide-soignante dans un Ehpad et un rôle de mère de famille. Désormais, elle vit d’une petite retraite qui l’oblige à attendre son tour devant l’aide alimentaire. Anne-Lise veut changer son prénom pour l’article. Elle chuchote à l’évocation de ses parents harkis – «personne ne sait ici». Elle répond d’un geste à la question du vote – la main vers l’affiche LFI. Mais elle parle fort quand elle dénonce le racisme qu’elle subit. «Le pire, c’est quand je fais les courses. On me regarde mal. A l’épicerie, j’entends des réflexions : “on est envahis”, “toujours les mêmes”. On est visés parce qu’on est arabes. On est mal vus. Ce n’est pas normal du tout.» En