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Encadrement

Dérives sectaires : l’Assemblée nationale approuve la création d’un délit de «provocation à l’abandon de soins»

Dans le cadre d’un projet de loi de lutte contre les dérives sectaires débattu ce mercredi 14 février par les députés, la création d’un tel délit veut éviter de graves conséquences pour la santé de personnes influencées.
La secrétaire d’Etat, Sabrina Agresti Roubache, avait souligné «l’évolution» des dérives sectaires, notamment de la «sphère complotiste» sur internet. (Xosé Bouzas/Hans Lucas. AFP)
publié le 14 février 2024 à 18h55

Il s’agit d’un texte attendu de longue date par les associations spécialisées. Dans une ambiance électrique, l’Assemblée nationale a finalement approuvé ce mercredi 14 février la création d’un nouveau délit de «provocation à l’abandon de soins». Cet article du projet de loi de lutte contre les dérives sectaires, très débattu, avait été mis en échec mardi soir par une coalition des oppositions. Après une nouvelle délibération demandée par le camp présidentiel, cette nouvelle infraction a finalement remporté, ce mercredi 14 février, une majorité de votes, et punira la «provocation au moyen de pressions ou de manœuvres réitérées» à l’abandon de soins, exposant à des «conséquences graves» pour la santé.

Face aux «gourous 2.0» et leurs fausses promesses de guérison du cancer par des «injections de gui» ou des «jus de citron», l’exécutif tient particulièrement à ce nouveau délit. Mais les députés de la France insoumise, des Républicains et du Rassemblement national dénoncent en chœur une menace pour «les libertés publiques» et pour les «lanceurs d’alerte» qui critiquent l’industrie pharmaceutique. L’annonce d’un second vote sur cet article a donc provoqué l’indignation de ces opposants, avec rappels au règlement et suspensions de séance. Le député d’extrême droite Thomas Ménagé a reproché au camp présidentiel de «bafouer le vote de la représentation populaire».

L’article ne «s’applique pas aux lanceurs d’alerte»

L’article modifié par la majorité a finalement été adopté par 182 voix contre 137, avec le soutien du Parti socialiste notamment. Le socialiste Arthur Delaporte a salué le retour de cette mesure, «plus que jamais nécessaire» pour «défendre la science» alors «que des gens disent des choses inacceptables sur les réseaux sociaux». L’article a bel et bien été réécrit pour qu’il ne «s’applique pas aux lanceurs d’alerte», a souligné la rapporteure de la majorité, Brigitte Liso. Ce nouveau délit de provocation à l’abandon ou l’abstention de soins sera passible d’un an d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, des peines portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende quand la provocation a été suivie d’effets.

La secrétaire d’Etat, Sabrina Agresti Roubache, avait souligné «l’évolution» des dérives sectaires, notamment de la «sphère complotiste» sur internet. L’ambiance houleuse de l’hémicycle a ravivé les plaies des débats sur le pass sanitaire et les vaccins contre le Covid, avec plusieurs passes d’armes contre le camp d’extrême droite. Entre 2015 et 2021, les signalements pour dérive sectaire ont augmenté de 86 %, selon les derniers chiffres communiqués par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Un phénomène d’emprise grandissant, pris au sérieux par les autorités.