C’était plein soleil, le jour de l’arrivée de la Marche des Beurs dans les rues de Paris. Un beau samedi d’hiver. Les marcheurs l’avaient proclamé. «Nous serons 100 000». Et ils le furent. Un cortège inédit, de toutes les couleurs, rempli de bonne humeur et d’envie de vivre.
Dans Libération, le lundi 5 décembre 1983, Serge July commence ainsi un édito qui fera date : «Les mots ont leur vie, c’est-à-dire qu’ils meurent aussi. Il y a en a un qui vient de passer un sale week-end, c’est celui d’immigré.» La une du journal proclamant, sans équivoque : «Paris, la grande finale des Beurs». «Beurs»… Le mot était lancé, affectif et solidaire. Ce n’était pas rien. «L’efficacité de leur tour de France tient à une double découverte, poursuivait Serge July. De leur part qu’ils ne sont pas des immigrés et donc qu’il n’y a aucune raison que l’on ne les traite pas comme des Français. Et de la part de la société française qui, à cette occasion, découvre une dimension humaine et culturelle de la France dont elle n’avait jamais pris conscience auparavant.»
Le bouleversement est réel. Les fils d’immigrés sont sortis des bidonvilles de Nanterre, des foyers Sonacotra, etc. Ils sont là, jeunes, vivants, dehors, présents, ayant pour la plupart toujours vécu en France. Mais leur visibilité ne s’est pas faite sans à-coup. On l’a oublié, mais à la fin des années 70 et au début des années 80, plusieurs dizaines de jeunes Beurs sont morts, tués par la police, pour