«Peu importe nos origines, si nous ne résistons pas, nous subissons», crie une voix dans le mégaphone, à quelques mètres de la gare du Nord. A l’occasion du 8 mars, les prises de parole se succèdent pour soutenir les femmes «du monde entier» : Kurdes, Afghanes, et désormais Ukrainiennes. En lettres jaunes sur fond violet, plusieurs pancartes portent l’inscription «Femmes migrantes, vous êtes chez vous». Dans la foule (35 000 manifestantes selon l’organisation), Brune, 19 ans, un trait sur chaque joue – violet lui aussi, couleur traditionnelle des mobilisations féministes –, se désole de l’impuissance face à la situation vécue par les Ukrainiennes : «On veut donner du soutien et du courage, mais c’est tellement peu par rapport aux horreurs qu’elles doivent subir tous les jours.» La jeune femme, étudiante à la Sorbonne, a décidé de se mobiliser en cette journée internationale des droits des femmes pour soutenir «toutes celles qui n’ont pas assez la parole».
«Elles sont payées une misère»
Ce 8 mars, une soixantaine d’associations et d’organisations ont signé un appel à la grève féministe, dont #NousToutes, Osez le féminisme, ou encore le Planning familial. Parmi les revendications : la juste reconnaissance des métiers dits féminisés, ainsi que la revalorisation des salaires. «On demande une reconnaissance de tous les métiers du social, tenus en grande majorité par des femmes. Qu’est-ce qu’on ferait sans les Atsem [agente territoriale spécialisée des écoles maternelles, ndlr], sans les AESH [accompagnante des élèves en situation de handicap] ? Elles sont essentielles, pourtant, elles sont payées une misère», s’insurge Adélaïde, 61 ans, assistante sociale dans l’Education nationale, qui défile sous la banderole du Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique. Plus loin, Louise, 25 ans, professeur d’histoire-géographie dans un collège de Seine-Saint-Denis, est venue pour les mêmes raisons. Si elle estime que son métier lui offre un statut de «privilégiée», elle fait grève pour «les corps de métier plus précaires, comme le ménage, l’aide à la personne, ou le soin». Dans le secteur privé, l’écart salarial moyen entre les femmes et les hommes dans le secteur privé se situait à 28,5 % en 2017 selon l’Insee. A 15h40, heure à laquelle les femmes commencent à travailler «gratuitement» (si l’on tient compte des inégalités de salaire), les manifestantes ont alors stoppé leur marche pour s’asseoir. «L’égalité des salaires ne doit pas être une parole en l’air», indiquaient certaines pancartes.
«On est extrêmement déçues»
A l’approche de l’élection présidentielle, l’heure est aussi au bilan du quinquennat Macron sur les questions féministes. «Son Grenelle a été un Grenelle du vent», lâche l’écrivaine et militante féministe Claudine Cordani, faisant référence au Grenelle des violences conjugales, qui s’est tenu en 2019. Et de poursuivre : «Macron a fait de la communication. Une personne qui représente un pays n’est pas censée faire de la communication.» Même son de cloche du côté du mouvement #NousToutes : «La vague #MeToo aurait pu être l’opportunité de lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles. A l’arrivée, on est extrêmement déçues, parce que les moyens financiers n’ont pas été mis en place, martèle Pauline Baron, de la coordination nationale de #NousToutes. On demandait un milliard d’euros, rien que pour les violences conjugales. De fait, ça n’a pas pu permettre de déployer massivement l’ensemble des dispositifs.»