Elle s’appelait Hamana, elle avait 38 ans. Le 11 septembre, elle a été assassinée par son mari violent devant leurs enfants. Une nouvelle fois de trop. «Les femmes victimes de violences ont d’abord besoin d’être crues», lance Marie-Christine Mourgue dans un micro. La présidente de SOS femmes en Seine-Saint-Denis, association qui vient en aide aux victimes de violences au sein de leur couple, se tient face à une centaine de personnes devant la mairie d’Aubervilliers. Toutes sont venues mercredi pour rendre hommage à Hamana. Sa famille était présente mais n’a pas pris la parole.
Comme à chaque rassemblement, les mots manquent. Dans la nuit du 11 septembre, à Aubervilliers, Hamana a été tuée par son conjoint à coups de couteau. «Egorger sa femme devant ses enfants, c’est d’une violence extrême», ne peut s’empêcher de souffler Marie-Christine Mourgue, sous le choc. L’homme de 53 ans a appelé la police d’Aubervilliers en déclarant avoir tué sa femme. Il a été interpellé rapidement après les faits, selon les informations du Parisien. D’un doigt, Marie-Christine Mourgue désigne l’immeuble situé juste en face de la place. C’est là qu’a eu lieu le féminicide. Dans le brouhaha de la ville et des voitures qui passent, comment imaginer qu’une telle horreur ait eu lieu à quelques mètres ? «En 2021, nous avons déjà deux femmes tuées à Aubervilliers. C’est deux de trop», répète la militante.
«Protéger tout de suite»
Hamana avait quatre enfants, âgés de 6 à 14 ans, qui étaient présents dans l’appartement au moment des faits. Ils sont «pour l’instant hospitalisés», précise Ernestine Ronai, directrice de l’Observatoire départemental des violences faites aux femmes en Seine-Saint-Denis. «L’objectif, c’est que ces enfants soient suivis et aidés sur le long terme, et pas seulement pendant quinze jours», ajoute-t-elle.
Seul soulagement, pour cette militante historique : l’exercice de l’autorité parentale «va être automatiquement retiré au père durant la phase de l’enquête». Concrètement, il ne pourra plus prendre de décisions pour ses enfants, d’un point de vue scolaire ou médical. «La loi a bougé. Jusque-là, ce n’était pas forcément appliqué», reprend Ernestine Ronai, ruban blanc, symbole de la mobilisation contre les violences conjugales, épinglé sur son manteau bleu marine. Pour elle, l’urgence est à la protection des victimes de violences : «Il faut séparer la sanction et la protection. Seulement 19 % des victimes se signalent, il faut absolument les protéger tout de suite.» Parmi ses grandes luttes, elle milite notamment pour que le nombre d’ordonnances de protection «soit multiplié par dix», soit passer de 3 300 à 33 000. Les outils pour protéger les victimes de violences ont beau exister, ils restent encore largement sous-employés.
La peur partout
Dans une ville où les femmes ne représentent que 47,2 % de la population – contre 50,8 % en Seine-Saint-Denis, ce féminicide résonne plus largement encore : non, ce n’est pas normal que les femmes aient «peur dans la rue, peur de leur voisin, de leur gardien d’immeuble ou de leur conjoint», déballe Ling Lenzi, maire-adjoint chargée de la sécurité et de la prévention. «Ici, c’est encore plus flagrant qu’ailleurs : les hommes possèdent l’espace public», abonde Maëlle, 28 ans.
Avec Mathilde, 26 ans, elle est venue rendre hommage à Hamana. Les deux amies se sont rencontrées en militant ensemble. «On a envie d’agir à notre niveau, de montrer qu’on est là», enchaîne Maëlle. Mathilde, lunettes sur le nez, acquiesce : «On sait que ça existe partout, mais le fait que ce soit si près de chez nous, forcément, ça nous touche encore plus.» Pour l’étudiante, ce mercredi, il fallait être là. «Pour Hamana.»
En 2020, 102 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur.
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