Le 8 novembre, à très précisément 16h48. En 2024, c’est à partir de cette date et cette heure que les femmes qui travaillent en France le font «bénévolement», du fait des inégalités salariales entre hommes et femmes. Comme chaque année depuis neuf ans, c’est la newsletter féministe les Glorieuses qui dénonce cette injustice par le biais d’un hashtag dédié. Ce dernier a été initié en 2016 par sa fondatrice, Rebecca Amsellem, à l’époque inspirée par un article de… Libération. Une anecdote qu’elle a racontée mercredi matin à la Cité Audacieuse, à Paris, à l’occasion du lancement du hashtag #8novembre16h48. «Cet article sur les Islandaises qui sortaient dans la rue un 24 octobre à 14h38 m’a fait réfléchir, parce que l’Islande est l’un des pays où les inégalités salariales sont les plus faibles au monde. Alors si ces femmes décident quand même de descendre dans la rue pour protester, qu’est-ce qu’on fait, nous ?»
De trop faibles avancées
Depuis 2016, le hashtag des Glorieuses est devenu un véritable rendez-vous annuel et un événement viral, qui s’affiche largement sur les réseaux sociaux. «Je ne m’attendais pas à ce que tant de monde s’empare de la question de l’inégalité économique entre les femmes et les hommes, qui n’est pas le sujet le plus sexy. Ça donne de l’espoir», confie-t-elle à Libération. L’espoir, l’économiste militante essaye de l’entretenir tant bien que mal. En 2016, la date symbolique était le 7 novembre à 16h34, en 2023, le 6 novembre à 11h25. 2024, est une année de progrès donc, mais pas de quoi sauter de joie non plus. «Ça évolue dans le bon sens, mais on ne peut pas dire que ça va mieux.»
Pour alerter sur ces inégalités toujours persistantes, les Glorieuses s’appuient sur trois statistiques produites par l’Insee. La principale étant les 13,9 % de différence de salaires entre hommes et femmes, en équivalent temps plein, dans les secteurs publics et privés, pour les entreprises de plus de dix employés. Ce chiffre sert de base pour calculer la date symbolique à laquelle les femmes travaillent gratuitement. D’autres données produites par l’Insee sont convoquées par l’organisation féministe, afin de mieux sonder ces disparités entre hommes et femmes. 4 % d’abord, une statistique qui correspond à l’écart de salaire à travail et compétence égale. 23 % enfin, l’écart de rémunération tout temps de travail confondu.
En parallèle de l’événement #8novembre16h48, les Glorieuses publient un rapport nommé «Egalité salariale – sept mesures qui fonctionnent vraiment». Le texte effectue un tour d’horizon de cinq pays ayant réussi à réduire la différence salariale entre femmes et hommes, la Suède, l’Espagne, l’Islande, le Rwanda et la Nouvelle-Zélande, grâce à la mise en place de «politiques publiques courageuses». Pour accompagner le rapport, les Glorieuses demandent l’instauration de sept mesures, inspirées des pays étudiés, permettant de réduire les inégalités salariales genrées.
Une pétition
Ces mesures sont les suivantes : un congé parental équivalent pour les deux parents, comme c’est le cas en Suède ; l’égalité salariale comme norme ISO – c’est ainsi aux entreprises de prouver qu’elles respectent l’égalité salariale et ce sont elles qui doivent monter un plan d’action pour les résorber, un modèle qui s’inspire de l’exemple islandais – ; l’augmentation des salaires dans les secteurs à prédominance féminine ; conditionner l’accès aux marchés et subventions publiques au respect de l’égalité salariale au sein de l’entreprise ; favoriser le travail flexible, sur le même modèle que l’Espagne, en encourageant le télétravail et en ne favorisant pas ceux qui sont physiquement au bureau ; choisir une région test pour ces mesures et enfin mieux quantifier les inégalités.
L’organisation féministe souhaite que ce travail ne soit qu’une première étape. «Ce qu’on veut, c’est que nos revendications soient présentées aux députés et aux sénateurs pour qu’ils puissent se saisir de ces questions», fait valoir sa fondatrice. Le projet a été présenté à la secrétaire d’Etat à l’Egalité femmes-hommes Salima Saa en début de semaine, qui, selon la fondatrice, «soutient le rapport». En attendant, les Glorieuses ont mis en ligne une pétition sur leur site, pour soutenir leurs revendications, dans l’espoir que le #8novembre16h48 devienne un jour le #31decembre23h59.