Le gouvernement en est pleinement conscient. Au lendemain du vote historique de la proposition de loi constitutionnelle de LFI de constitutionnaliser le droit à l’avortement à l’Assemblée nationale, le chemin de ce texte est on ne peut plus incertain. En l’état, il devra encore être voté dans les mêmes termes par le Sénat – qui n’a pas caché ses réticences le 19 octobre en rejetant un texte transpartisan similaire de la sénatrice écolo Mélanie Vogel – puis être soumis à un référendum redouté risquant de refaire émerger des discours réactionnaires violents, avant d’enfin espérer pouvoir être porté en haut de la hiérarchie des normes. Interrogé à ce sujet lors de son déplacement à Dijon à l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, Emmanuel Macron a de nouveau botté en touche. «Il y a eu un vote et après il y a un chemin donc il faut respecter ce chemin parlementaire», a-t-il rétorqué face aux journalistes.
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Avec l’adoption de cette proposition de loi de LFI à une large majorité, les députés espéraient accentuer la pression sur l’exécutif. «La balle est dans le camp du gouvernement», a lancé Mathilde Panot à la fin des débats, enjoignant le gouvernement à déposer un projet de loi constitutionnel. Une alternative législative qui permettrait un examen plus rapide et de passer outre la case référendum. Qu’importent les 337 votes pour et 32 contre exprimés ce jeudi, qu’importe que la députée de la majorité Aurore Bergé ait décidé de retirer son texte et de se ranger derrière ce consensus, le président de la République tient la ligne dessinée depuis juin par le gouvernement.
«Ce qu’une loi peut faire, une autre loi peut le défaire»
Quelques jours après la déflagration provoquée par le renversement de l’arrêt Roe v. Wade, qui sécurisait au niveau fédéral le droit à l’avortement aux Etats-Unis, Elisabeth Borne avait assuré au Planning familial que le «gouvernement soutiendra avec force» ces initiatives parlementaires. Sans s’engager à plus. Même discours au Palais Bourbon et au palais du Luxembourg pour le garde des sceaux Eric Dupond-Moretti et de la ministre chargée de l’Egalité femmes-hommes Isabelle Rome. «Je soutiens très fermement cette constitutionnalisation. Il est important de verrouiller le droit à l’avortement en l’intégrant à la Constitution car ce qu’une loi peut faire, une autre loi peut le défaire», disait-elle au magazine Causette cette semaine en évitant soigneusement de se prononcer sur la possibilité pour le gouvernement de reprendre le flambeau en cas d’échec.
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A l’école de gendarmerie de Dijon, Emmanuel Macron s’est tout de même efforcé de défendre «[sa] position qui a toujours été très claire». Son choix dès juillet 2017 de faire entrer au Panthéon Simone Veil est pour lui la preuve de «son attachement profond à la défense d’un droit – celui des femmes à disposer de leur corps» qu’il trouve «essentiel à notre République». Des déclarations de bonnes intentions qui ne sauraient faire oublier sa frilosité non dissimulée sur le sujet de l’avortement. Depuis son premier quinquennat, il a multiplié les propos culpabilisants à l’endroit des femmes ayant recours à l’IVG. En mars, il estimait que «c’est un droit, mais c’est toujours un drame pour une femme». Quelques mois plus tôt, au magazine Elle, il avançait encore : «L’IVG est une conquête immense pour les femmes et pour les hommes, pour la dignité et l’humanité de tous. Mais je mesure le traumatisme que c’est d’avorter…» Des propos de la même teneur avaient été relayés par le Figaro en novembre 2021 lors d’un déplacement au Vatican : «Je n’ai pas changé d’avis. Des délais supplémentaires ne sont pas neutres sur le traumatisme d’une femme.» De quoi rendre tout de suite la position de celui qui manie parfaitement le discours du «je suis féministe mais» moins limpide.