«Toute femme doit disposer librement de son corps. Mais […]». Dans un entretien exclusif à Elle, paru ce mercredi 8 mai, Emmanuel Macron a profité du lectorat féminin du magazine pour balayer plusieurs sujets les concernant. Libération fait le point sur ce qu’il faut retenir des annonces du chef de l’Etat.
«Aucune complaisance» envers Gérard Depardieu, vraiment ?
Emmanuel Macron rétropédale. Dans les pages de Elle, le président l’assure : il n’y avait chez lui «aucune complaisance» vis-à-vis de l’acteur Gérard Depardieu, affirmant n’avoir «jamais défendu un agresseur face à des victimes». En décembre dernier, lors d’une interview chez «C à vous», il avait fait le choix de défendre un acteur qui «rend fière la France», dénonçant «une chasse à l’homme» après la sortie d’un Complément d’enquête sur l’acteur de 75 ans. Sa déclaration quasi d’amour à Gérard Depardieu, contre qui trois plaintes pour viol ont été déposées et jugé en octobre prochain à Paris pour agressions sexuelles sur deux femmes, a choqué.
Selon Emmanuel Macron, il n’y avait là qu’une «volonté de respecter nos principes, tels que la présomption d’innocence. Ces mêmes principes qui vont permettre à la justice de statuer en octobre prochain et c’est une bonne chose», a-t-il ajouté. Le chef de l’Etat a assuré avoir «un profond respect, une bienveillance et une grande confiance pour et dans la parole des femmes» et s’est dit «intraitable sur la question des viols, de la domination, de cette culture de la brutalité», de la même manière qu’il se déclarait en décembre «inattaquable» en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, «grande cause» de son précédent quinquennat dont les résultats laissent à désirer. «Ma priorité a toujours été la protection des victimes, et c’est aussi le cas pour l’affaire Depardieu», a-t-il poursuivi.
Saluant «le courage» des actrices Judith Godrèche, Juliette Binoche ou Isild le Besco, qui ont dénoncé des violences sexuelles dans le milieu du cinéma, Emmanuel Macron souligne que «la mise en lumière de la vérité se fait par la parole libre, par le travail des journalistes, par le travail des enquêteurs. La justice ensuite, seule, établit les culpabilités», a-t-il ajouté.
Evolution de la définition du viol
Le sujet fait débat : faut-il fonder la définition juridique du viol sur l’absence de consentement ? Une directive européenne contre les violences faites aux femmes le proposait, mais a été retoquée en février par quelques pays de l’UE, dont la France. Pour ces nations, ce crime n’a pas la dimension transfrontalière nécessaire pour pouvoir donner lieu à une harmonisation européenne. Aujourd’hui, le chef de l’Etat a rappelé son intention de faire évoluer la définition du viol au niveau national uniquement, en intégrant cette fameuse notion de consentement. Des parlementaires sont en train de «plancher sur le sujet avec le garde des Sceaux pour qu’une proposition de texte puisse voir le jour d’ici à la fin de l’année», a-t-il précisé.
Le billet de Jonathan Bouchet-Petersen
La définition du viol diffère selon les pays de l’UE. La loi suédoise considère par exemple comme viol tout acte sexuel sans accord explicite. En France la loi définit ce crime comme une pénétration sexuelle ou acte bucco-génital commis sur une personne avec violence, contrainte, menace ou surprise. Portées par l’onde choc #MeToo, des voix s’élèvent depuis plusieurs mois pour que la France intègre dans son droit la notion de consentement, comme d’autres pays européens. Le mouvement #MeToo «m’a conforté, m’a fait douter, m’a révélé des choses», a-t-il reconnu ce mercredi.
Vaste plan contre l’infertilité
«Un chiffre m’interpelle : le taux de fécondité est de 1,8 et le taux de désir d’enfant s’établit à 2,3», a déclaré au magazine féminin Emmanuel Macron, qui veut bâtir un vaste plan pour relancer la natalité en France. Il a précisé que son plan de lutte contre l’infertilité allait s’articuler autour de la «prévention», du «parcours» et de la «recherche». Il affirme ainsi qu’un «check-up fertilité», autour de l’âge de 20 ans, serait proposé à tous et remboursé par l’assurance maladie afin d’«établir un bilan complet, spectrogramme, (ou) réserve ovarienne». «Nous allons organiser des campagnes en faveur de l’autoconservation d’ovocytes pour les femmes qui veulent avoir des enfants plus tard», a-t-il aussi indiqué. Objectif affiché : «réarmer démographiquement» le pays, une volonté présidentielle aux accents natalistes, qui a suscité des inquiétudes, alertant sur le risque de réduire les femmes à un rôle procréatif.
PMA versus GPA
Le président a affirmé vouloir améliorer l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA), dont l’ouverture aux femmes célibataires et aux couples de femmes, il y a bientôt trois ans, avait fait exploser le nombre de demandes, et donc les délais pour commencer un parcours. Pour réduire cette attente, actuellement de 16 à 24 mois, Emmanuel Macron a l’intention d’«ouvrir aux centres privés l’autoconservation ovocytaire» qui était «jusqu’ici réservée aux établissements hospitaliers».
En revanche, le chef de l’Etat renouvelle dans cet entretien son opposition à la gestation pour autrui (GPA). «Je le redis, je n’y suis pas favorable. Elle n’est pas compatible avec la dignité des femmes, c’est une forme de marchandisation de leur corps», martèle-t-il. «Ceci dit, je pense évidemment que les parents d’enfants nés par GPA à l’étranger doivent être respectés et accompagnés. Ce sont des familles aimantes», ajoute-t-il. Sujet récurrent de discorde politique, la GPA a ressurgi dans l’actualité fin avril avec l’annonce de la paternité du créateur de mode Simon Porte Jacquemus et de son mari. La tête de liste Reconquête aux élections européennes, Marion Maréchal, avait réagi en demandant «où est la maman ?». «J’ai été choqué par la manière dont cette polémique est née, et par ce qu’elle dit de l’homophobie de certains partis politiques français», a assuré Emmanuel Macron.