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Libération
Violences sexuelles

Définition du viol : une proposition de loi déposée pour introduire le non-consentement dans le Code pénal

S’appuyant sur un rapport rendu public ce mardi 21 janvier, les députées Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin ont déposé un texte transpartisan préconisant d’intégrer cette notion, afin notamment de tenir compte de l’état de sidération des victimes. La proposition de loi devrait être débattue fin mars.
Dans un rapport parlementaire rend mardi 21 janvier, les députées Véronique Riotton (photo) et Marie-Charlotte Garin préconisent d’intégrer la notion de non-consentement dans la définition du viol. (Telmo Pinto/NurPhoto. AFP)
publié le 21 janvier 2025 à 14h20

Un changement de la définition pénale du viol «n’aura pas l’effet d’une baguette magique». Il pourrait toutefois «initier le mouvement vers un changement de paradigme». Dans un rapport parlementaire présenté ce mardi 21 janvier, en appui d’une proposition de loi déposée le même jour, les députées Véronique Riotton (Ensemble pour la République) et Marie-Charlotte Garin (EE-LV) préconisent d’intégrer la notion de non-consentement dans cette définition. Toutes les deux minutes en France, une personne est victime de violences sexuelles. Huit victimes sur dix renoncent à porter plainte lorsque ces violences se sont exercées hors du cadre familial. Près d’un quart pensent que «ça n’aurait servi à rien». Avec 73 % de plaintes classées sans suite, il apparaît clairement que «la loi actuelle ne punit pas suffisamment et ne répond pas aux attentes de la société», appuie Véronique Riotton, présidente de la délégation aux droits des femmes.

«L’absence de consentement doit permettre de distinguer la sexualité de la violence. La nouvelle définition doit préciser que le consentement est spécifique [par exemple pour un acte sexuel et pas pour un autre, ndlr], doit être donné librement et peut être retiré à tout moment», cadrent les corapporteures. Si cette mesure divise juristes et féministes, elle permettrait de tenir compte, selon ces conclusions, des «cas de sidération, de contrôle coercitif ou d’exploitation de situations de vulnérabilités, pas explicitement couverts par la loi». Le code pénal définit actuellement le viol comme «tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise». Dans la proposition de loi, censée être examinée fin mars après avis du Conseil d’Etat, ces quatre derniers critères, qui «partent de la stratégie de l’agresseur», sont conservés afin «de ne pas écraser la jurisprudence», précise Marie-Charlotte Garin. Le but n’est «pas de les affaiblir, mais de les consolider», appuie le rapport.

«Circonstances environnantes»

Si le procès des viols de Mazan, que le rapport qualifie comme celui «de la culture du viol», a remis en avant l’urgence d’«agir», le débat avait été relancé par l’opposition ferme d’Emmanuel Macron à cette évolution dans le cadre d’une directive européenne, en 2023. Dans la foulée de la constitutionnalisation de l’IVG, le 8 mars 2024, le président avait opéré un virage inattendu, se positionnant finalement en faveur de cette révision au niveau national. Alors qu’un certain nombre de militantes craignent qu’une telle révision ne revienne à encore davantage scruter le comportement des victimes, la proposition de loi prévoit que l’absence de consentement doit s’«apprécier au regard des circonstances environnantes» comme l’âge de la victime, un handicap, une situation de précarité économique, de vulnérabilité administrative. Objectif : éviter «que la notion de consentement ne se retourne contre [la plaignante]». «Une victime n’est pas dans la même capacité de réagir quand l’auteur est son supérieur hiérarchique», illustre la députée EE-LV. Cela devrait conduire enquêteurs et juges «à interroger davantage les agissements de la personne mise en cause».

S’inspirant de l’exemple belge, le rapport insiste sur la nécessité de tenir compte des situations dans lesquelles «la victime est dans l’incapacité d’exprimer son refus». Le consentement «ne peut être déduit du silence ou de l’absence de résistance de la personne», est-il inscrit dans cette proposition de définition pénale. Deux éléments souvent retenus par l’institution judiciaire contre les victimes, au mépris des connaissances sur l’effet de sidération. «Le silence de la loi permet aux agresseurs de se servir du consentement comme d’une arme, on l’a vu avec les agresseurs de Gisèle Pelicot», note la députée écolo, en disant vouloir avec ce texte «tordre le bras à l’intentionnalité». Suivant l’exemple du Canada, ayant passé le cap en 1990, un nombre croissant de pays ont redéfini le viol autour du consentement. En Suède, une progression de 75 % des condamnations a été enregistrée depuis ce changement en 2018.