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Libération
Reportage

Des abris citoyens pour les victimes de violences conjugales : «Antonella m’a vraiment sauvé la vie»

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Violences conjugalesdossier
En Seine-Saint-Denis, Nadia, qui a quitté son conjoint violent, est hébergée par Antonella pour quelques jours. Leur rencontre a été possible grâce à l’association Un abri qui sauve des vies s’appuie sur un réseau de 700 «abritantes» pour compléter le manque d’hébergements d’urgence proposés par les pouvoirs publics.
Membre de l'association Un Abri qui sauve des vies, Antonella accueille dans son appartement de Seine-Saint-Denis des victimes de violences conjugales. (Cha Gonzalez/Libération)
publié le 18 août 2024 à 7h37

La musique hante plus qu’elle n’entête. Il est 14h30 en ce début août, Nadia (1) vient de passer son 76e appel au 115, le numéro d’urgence sociale, en seulement quatre heures. Ses gestes sont presque automatiques : portable posé sur la table d’un salon baigné de soleil, 115, haut-parleur, son abaissé pour ne pas être assourdie, attente. Depuis deux semaines, ses journées sont rythmées par ces quelques notes et cette voix faussement tendre : «Tous nos interlocuteurs sont en ligne, merci de rappeler ultérieurement.» Longs cheveux bruns retenus en queue-de-cheval, cette Marocaine de 37 ans a fui, il y a deux semaines, son mari violent, emmenant son fils de 12 ans et sa fille de 9 ans (actuellement en colonie de vacances) avec elle.

Presque sans reprendre son souffle, elle revient aux racines de ces violences : sa rencontre avec cet homme de quinze ans son aîné au Maroc, les addictions dont il promettait vouloir se soigner, l’arrêt de ses études de comptabilité à leur mariage. «Depuis notre arrivée en France en 2014, nous habitions avec sa famille, dont sa mère, ses frères. Lui ne cessait de fumer du shit, j’étais leur esclave à tous à la maison. C’était comme si je devais leur être redevable puisque sa mère nous avait fait venir ici. Je l’ai payé dix ans de ma vie», glisse-t-elle. Une fois en France, son mari ne travaille pas ou peu. Sa belle-mère paie le loyer, tandis que Nadia multiplie les ménages afin de nourrir ses enfants. «Il me rabaissait sans cesse, m’i