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Le Congrès adopte l’inscription dans la Constitution de «la liberté garantie à la femme d’avoir recours à l’IVG»

Députés et sénateurs réunis en Congrès à Versailles ont très largement approuvé ce lundi 4 mars l’inscription dans la Constitution de l’interruption volontaire de grossesse. La France devient le premier à pays au monde à le faire de manière explicite.
A Versailles, dans la salle du Congrès, au moment du vote de l'inscription de l'IVG dans la Constitution. (Denis Allard/Libération)
publié le 4 mars 2024 à 12h13
(mis à jour le 4 mars 2024 à 20h49)

En résumé :

il y a 531 jours
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La gauche veut maintenant garantir l’IVG au niveau européen. Dans la foulée de l’inscription de l’IVG dans la Constitution, la cheffe des députés LFI Mathilde Panot a annoncé le dépôt d’un texte pour enjoindre au gouvernement de faire inscrire ce droit dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE. «Nous allons fêter une victoire historique et dès demain nous allons repartir au combat», a lancé la députée devant les journalistes, visiblement émue après le vote. Sa proposition de résolution, qui n’aurait pas de valeur contraignante en cas d’adoption, appelle le gouvernement à «se mobiliser diplomatiquement auprès des États membres de l’Union et de la Commission européenne afin que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne garantisse le droit à l’avortement». La sénatrice écologiste Mélanie Vogel, très engagée pour la constitutionnalisation de l’IVG, a aussi plaidé après le vote au Congrès pour porter ce droit au niveau européen, et l’inscrire dans la Charte des droits fondamentaux. Une proposition également soutenue par les sénateurs socialistes.

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Le Congrès appose un premier sceau...

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... avant une cérémonie publique de scellement vendredi 8 mars. Dans son message saluant l’inscription de l’IVG dans la Constitution, Emmanuel Macron annonce une cérémonie de scellement pour la première fois ouverte au public le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes. Prolongement d’une tradition française qui remonte aux Mérovingiens, cette cérémonie consistant à déposer un sceau sur le texte se déroule au ministère de la Justice. La presse qui permet d’y procéder - une machine de 300 kilos, qui avait été commandée en 1810 par Cambacérès - se trouve d’ailleurs en permanence dans le bureau du ministre-garde des Sceaux, aujourd’hui Eric Dupond-Moretti. Destinée historiquement à garantir l’authenticité d’un écrit, l’apposition du sceau ne constitue plus une obligation pour assurer la validité d’une loi. Elle a été remplacée par la publication au Journal officiel. Après la cérémonie prévue vendredi à midi place Vendôme à Paris, le texte sera baptisé «loi constitutionnelle du 8 mars 2024».

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Au Trocadéro, la liesse et les larmes. Au Trocadéro, des cris de joie, voire des larmes, rompent le silence lorsque le résultat positif du vote au Congrès finit par tomber. Au milieu d’une foule qui s’enlace allègrement, Youssra, d’origine tunisienne et naturalisée Française depuis un an, confie son émotion : «A ce moment précis, je pense aux femmes de mon pays d’origine et à celles du monde entier. J’aimerais leur dire que le combat n’est jamais gagné, mais qu’il n’est pas non plus impossible : la preuve aujourd’hui.» Par Léo Thiery, au Trocadéro.

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La tour Eiffel illuminée pour saluer la constitutionnalisation de l’IVG. Dès l’annonce de l’inscription dans la loi fondamentale française de l’interruption volontaire de grossesse, la tour Eiffel s’est mise à scintiller. Des inscriptions lumineuses en plusieurs langues sont également apparues au premier étage du célèbre monument, comme #AbortoLegal (« avortement légal » en portugais) ou #MyBodyMyChoice (« mon corps mon choix » en anglais). Et, bien sûr, en français : #MonCorpsMonChoix.

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Une majorité plus large que ce qu’auguraient les votes à l’Assemblée et au Sénat. Sortons les calculatrices. 780 parlementaires en faveur de l’inscription dans la Constitution de la « liberté garantie » pour les femmes de pouvoir pratiquer une IVG, c’est 20 de plus qu’à l’Assemblée nationale et au Sénat. Il faut attendre encore quelques minutes pour savoir qui a modifié son vote entre le passage du projet de loi constitutionnelle entre Paris et Versailles. A droite, certains expliquaient qu’ils pourraient changer d’avis afin d’offrir une victoire et renforcer ce droit pour les femmes.

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Emmanuel Macron salue «fierté française», un «message universel».

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A Versailles, les anti-IVG déposent des bougies en guise de «deuil».

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Le Congrès adopte l’inscription dans la Constitution de «la liberté garantie à la femme d’avoir recours à l’IVG». Yaël Braun-Pivet proclame les résultats : 780 parlementaires ont voté pour l’inscription dans la Constitution de «la liberté garantie à la femme d’avoir recours à l’IVG» sur 852 votes exprimés, soit plus de 90% des suffrages exprimés. La majorité nécessaire des 3/5e était à 512 voix. Seuls 72 députés et sénateurs ont voté contre le projet de loi constitutionnelle.

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Chez les anti-IVG, on déprime à l’approche du verdict. Les bougies sont allumées et les roses blanches ont été déposées par terre, devant une pancarte sur laquelle des échographies ont été collées. Dans un coin, près d’un arbre, une dizaine de jeunes prient. Comme depuis le début d’après-midi, le glas sonne en boucle sur la sono. Chez les anti-IVG, réunis près du château de Versailles, le vote enterinant l’inscription de l’accès a l’avortement dans la constitution est vécu comme un deuil. «Le chemin de l’honneur c’est de ne jamais devenir un collabo de la culture de mort, balance au micro, pour la deuxième fois de la journée, le président de la Marche pour la vie, a l’origine du rassemblement. Quelle honte.» Par Julien Lecot, à Versailles.

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Sophie Binet à Emmanuel Macron : «Votre tâche ne s’arrête pas là !» En attendant le résultat du vote, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, prend la parole sur la scène installée au Trocadéro : «Ce vote est un message fort envoyé à toutes les forces obscures qui veulent prendre possession du corps des femmes». Avant d’interpeller directement Emmanuel Macron. «Monsieur le Président, votre tâche ne s’arrête pas là, vous avez désormais la responsabilité de porter l’inscription de l’IVG dans la constitution européenne. […] Mais également d’aboutir à l’effectivité concrète de ce droit fondamental en France, ce qui n’est toujours pas le cas». Par Léo Thiery, place du Trocadéro à Paris.

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La présidente du Congrès clôt la séance. Les parlementaires se retirent dans des salles adjacentes pour participer au vote et glisser des bulletins dans des urnes. Les résultats sont attendus autour de 18 h 35 - soit 45 minutes après la clôture de la séance.

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«Même dans les grandes démocraties, le retour en arrière est possible», rappelle Elsa Faucillon. Pour la députée communiste Elsa Faucillon, la constitutionnalisation de l’IVG «est loin de n’être qu’un symbole» car «nous savons que même dans les grandes démocraties, le retour en arrière est possible», explique-t-elle. Puis l’élue des Hauts-de-Seine s’adresse aux anti-IVG qui ont usé de tous les moyens pour tenter d’entraver le processus. «À ceux qui nous ont adressé des fœtus en plastique, des fascicules faisant parler les embryons, qui ont comparé l’avortement à un meurtre, sachez que vous avez décuplé la force des féministes. Sachez que vous avez perdu», lance Elsa Faucillon. «Alors pour nos mères, nos filles et nos sœurs d’ici et d’ailleurs, nous affirmons maintenant et ici que le droit à disposer de son corps est un droit fondamental et qu’il est essentiel à la liberté individuelle», poursuit-elle. Mais le combat n’est pas fini, assure la députée. «Parce que nous ne savons que trop bien que ce vote historique aujourd’hui entraînera aussi, dès demain, son lot de son lot de contre-offensive réactionnaire, […] dès demain, et soyons nombreuses le 8 mars pour la grève féministe, pour de nouvelles conquêtes féministes pour l’égalité salariale, et pour que nos luttes se transforment en victoire.»

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«Le combat féministe n’est jamais terminé», selon Cyrielle Chatelain. Une allocution au ton grave, puis tout à coup, un sourire. «Aujourd’hui savourons cette loi qui marque un nouveau jalon dans l’histoire de France, une nouvelle conquête dans la lutte des femmes», lance la présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale Cyrielle Chatelain. Cette victoire n’aurait pu être possible sans «les milliers de militantes qui ont marché, fait signer des pétitions, tenu des stands pour dire dans toute la France : nous devons faire entrer l’IVG dans la Constitution», estime-t-elle. «Cette constitutionnalisation de l’IVG c’est votre victoire», leur lance-t-elle. Avant un message à «[ses] filles, à toutes les femmes de France, à toute personne qui un jour se posera la question : Est-ce que je peux le garder ? Est-ce que je veux le garder ?». «Nous, le Parlement, nous vous le garantissons : Nul ne peut vous contraindre, nul ne peut vous forcer, vous intimider, vous obliger. Vous êtes les maîtresses de votre destin», ajoute-elle rappellent que «le combat féministe n’est jamais terminé».

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Mélanie Vogel salue «une victoire» qui ne pouvait être que «sorore et collective». Tout de blanc vêtue en hommage aux suffragettes, la sénatrice écologiste Mélanie Vogel souligne le chemin qui a été fait pour en arriver à la constitutionnalisation de l’IVG. «Toutes les victoires féministes sont des combats qui semblaient perdus d’avance. […] Il y a un an et demi, quand j’ai proposé à mes collègues au Sénat de mettre au vote une loi transpartisane pour constitutionnaliser le droit à l’IVG, beaucoup m’ont dit “mais tu sais n’est-ce pas que c’est impossible ? Jamais le Sénat ne votera pour mettre l’IVG dans la Constitution”», retrace-t-elle. «Mais nous les féministes, quand on ne lâche rien, à la fin on gagne», poursuit-elle. A la tribune, la sénatrice rend hommage au coté transpartisan du cheminement. «Du 17 janvier 1975, l’Histoire a retenu Simone Veil. Je voudrais ici formuler un vœu : que du 4 mars 2024, l’Histoire ne retienne pas un nom. Car la démonstration que nous avons faite, avec Mathilde Panot, avec Aurore Bergé, avec Laurence Rossignol, avec Dominique Vérien, avec Laurence Cohen, avec Elsa Schalk, avec ces femmes qui ont choisi dans ce combat, l’intérêt général par dessus toute autre considération, c’est que la victoire ne pouvait être que sorore et collective», clame-t-elle.

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Le sénateur et médecin Claude Malhuret raconte «le temps des avortements clandestins qui se terminent mal». A la tribune, le sénateur Claude Malhuret (Les Indépendants), ancien président de Médecins sans frontières, a raconté son expérience de «médecin-chef d’un petit hôpital dans un coin perdu d’un pays du Sud». «J’ai vu surgir dans mon bureau une jeune femme 17, 18 ans peut être, dont je me rappellerai toujours le visage», débute-t-il. «Une expression mêlée de terreur et d’incompréhension dans le regard, les cheveux décoiffés, les vêtements de travers, comme si elle venait de se lever» alors qu’un voisin «avait découvert le cadavre d’un nouveau-né à peine enfoui dans le sol». «J’étais pétrifié. Il s’agissait d’un infanticide, bien sûr […] Mais je savais aussi parfaitement pourquoi cette jeune femme était là, dans un pays comme tant d’autres où fille-mère, c’était le mot de l’époque, signifiait bannissement social et déshonneur, reprend-il. Pour la famille, l’avortement était interdit et sévèrement. Et d’ailleurs, comment cette quasi-enfant aurait-elle pu se confier à quiconque pour trouver une faiseuse d’anges ?» «Des histoires comme celle-là, je pourrais vous raconter d’autres. J’ai vu le temps des avortements clandestins qui se terminent mal, des condamnations, des stérilités définitives. Chez nous, aujourd’hui, ces histoires n’existent plus», souffle Claude Malhuret.

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Au Trocadéro, on salue «un signal fort envoyé au monde entier». Élisa étudiante de 19 ans en licence de mathématiques est émue devant la scène historique qui se déroule sous ses yeux, depuis la place du Trocadéro à Paris. «Cette inscription dans la Constitution, c’est un signal fort envoyé au monde entier et aux réactionnaires de tout bord qui voudraient contrôler nos corps. Ma mère s’est battue toute sa vie pour le droit à l’avortement, elle n’est plus là pour voir cette page historique s’écrire, alors je suis aussi venue pour elle.» Par Léo Thiery, place du Trocadéro à Paris.

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A Versailles, devant les anti-IVG : «j’ai l’impression d’être chez les fous». Estelle lève les yeux au ciel et met ses mains devant sa bouche quand elle entend les manifestants anti-IVG, réunis près du château de Versailles, passer une bande-son où un fœtus parle à sa mère et la dissuade d’avorter. Pendant les prises de parole, qui comparent l’avortement à un génocide, cette blonde de 23 ans piétine en tirant compulsivement sur sa clope. A l’abri des regards, celle qui passait là par hasard avec un copain de promo fulmine : «Ce qu’ils font c’est dégueulasse et régressif. Je ne comprends pas : c’est le droit d’avorter, on ne force personne à le faire. Toutes les femmes qui sont là, si elles veulent pondre leurs marmots, elles peuvent le faire, personne ne les en empêche ! J’ai l’impression d’être chez les fous, je ne pensais pas qu’il y aurait autant de monde.» Par Julien Lecot, à Versailles.