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Temps perdu

Soumission chimique, violences dans le cinéma, protection de l’enfance… Les travaux des parlementaires relancés

Violences sexuellesdossier
Des missions gouvernementales et commissions d’enquête interrompues par la dissolution de l’Assemblée nationale ont repris à la suite de votes mardi et ce mercredi 9 octobre.
Paris le 15 février 2023. (Denis Allard/Libération)
publié le 8 octobre 2024 à 21h22
(mis à jour le 9 octobre 2024 à 19h23)

Mises à l’arrêt par la dissolution de l’Assemblée nationale, une mission gouvernementale et deux commissions d’enquête vont pouvoir reprendre. La première concerne la soumission chimique, comme l’a annoncé mardi Salima Saa, secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes. Quant aux deux commissions d’enquêtes, elles concernent les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance, ainsi que les violences sexistes et sexuelles dans le cinéma, l’audiovisuel et la culture. Elles ont pour leur part été relancées ce mercredi 9 octobre, sans grande surprise au vu du consensus que ces deux sujets suscitent.

Ainsi la reprise du groupe de travail sur les violences dans le cinéma, initié par les prises de parole de Judith Godrèche, a été «votée à l’unanimité», s’est réjouie sur X la députée écolo Sandrine Rousseau. Les députés devront reprendre tout le processus, même s’ils pourront s’inspirer des auditions déjà menées auparavant. Même principe pour la commission sur l’aide sociale à l’enfance (ASE), aussi unanimement votée : «Le travail que nous avions commencé avant la dissolution va pouvoir reprendre avec les auditions des ministres concernés et des acteurs du secteur en première ligne», confirme par communiqué la députée socialiste Isabelle Santiago. «La protection de l’enfance concerne près de 400 000 jeunes, l’élue du Val-de-Marne. J’avais demandé au précédent gouvernement de prendre un plan d’urgence pour les pouponnières […] L’exécutif devra nous apporter des réponses rapidement.»

Quant à la mission gouvernementale sur la soumission chimique, créée en avril par le précédent gouvernement, elle avait de nouveau été confiée mardi à la députée Modem Sandrine Josso et à la sénatrice du groupe RDSE Véronique Guillotin. Les questions auxquelles elle devra répondre restent les mêmes : quelle est l’ampleur du phénomène de soumission chimique, qui consiste à administrer des substances psychoactives à un individu, souvent une femme à son insu, pour en abuser sexuellement ? Comment améliorer la prévention ? Le processus pénal est-il à revoir ?

«La lutte contre les violences sexuelles et sexistes a été érigée en priorité par le Premier ministre Michel Barnier», qui a décidé de relancer cette mission dont les travaux ont été interrompus par la dissolution, a précisé Salima Saa. «Je suis convaincue qu’il faut accélérer pour protéger les femmes, les enfants et les hommes de ces abus. Ils peuvent être aussi concernés», a-t-elle poursuivi.

«Pour bouger les lignes, il faudra des mesures fortes»

En toile de fond de cette mission, deux affaires emblématiques : celle de la députée Sandrine Josso elle-même, qui avait porté plainte en novembre 2023 contre le sénateur centriste Joël Guerriau, qu’elle accuse de l’avoir droguée en vue de l’agresser sexuellement. Et le procès de Mazan, où 51 hommes sont accusés d’avoir violé Gisèle Pelicot, droguée par son époux, qui a porté un coup de projecteur sur la soumission chimique utilisée dans un cadre domestique.

«C’est un procès historique», «une sensibilisation à grande échelle» sur ce sujet, mais «pour bouger les lignes, il faudra des mesures fortes», a affirmé Sandrine Josso ce mardi. Elle cite notamment la détection de ces «empoisonnements», le recensement des victimes et «l’amélioration de leur prise en charge». Elle recommande notamment que les pharmacies puissent délivrer, sur prescription médicale, aux femmes qui pensent avoir été droguées, un «kit de détection» ou «kit du lendemain» avec des «flacons pour recueillir l’urine», les adresses et «toute la marche à suivre» pour accéder à la preuve.

«La soumission chimique, c’est le crime parfait. C’est un contre-la-montre pour obtenir des preuves», explique encore la députée. «Très souvent, les victimes ne se rappellent de rien» et les substances utilisées «disparaissent très rapidement du sang». «Très peu de personnes connaissent la soumission chimique. Que ce soit auprès du personnel médical ou judiciaire, vous vous retrouvez dans des situations où on ne vous donne pas les bons conseils et la bonne marche à suivre pour porter plainte.» De plus, le nombre de victimes est un «chiffre noir», observe-t-elle. Aujourd’hui, seules les personnes qui portent plainte sont comptabilisées dans les signalements, observe-t-elle.

Près d’un an après les faits présumés, survenus le 14 novembre 2023, la députée a révélé ressentir encore des symptômes de «stress post-traumatique» qui la «gênaient au quotidien». «Je croyais que cela n’allait durer que quelques semaines, ces symptômes d’hypervigilance, et je comprends que malheureusement, il faut au minimum deux ans pour s’en remettre». «La France se doit d’être un exemple pour le monde entier pour endiguer ce fléau» et «problème de santé publique», assure-t-elle.

Mise à jour : ce mercredi 9 octobre à 19h23, avec l’annonce de la reprise des deux commissions d’enquête.