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Droits des femmes

«En sécurité et écoutées» : aux JO de Paris 2024, des «safe places» pour les victimes de violences sexuelles

Sur le parvis de l’hôtel de ville et dans plusieurs lieux de fête olympique, la mairie de Paris a installé des espaces pour recevoir et orienter les personnes ayant subi des agressions sexistes, courantes lors des grands événements sportifs.
La mairie de Paris entend pérenniser ce type de lieux d'accueil pour de futurs rassemblements sportifs. (Denis Allard/Libération)
publié le 30 juillet 2024 à 19h23

Sur la Terrasse des Jeux, lieu festif installé sur le parvis de l’hôtel de ville de Paris pendant toute la compétition olympique, plusieurs centaines de personnes visionnent sur grand écran les qualifications de planche à voile pour les hommes. En ce très chaud après-midi du lundi 29 juillet, certaines boivent une bière assises dans les gradins tandis que d’autres se tiennent debout, adossées à une grande affiche rose dont on peine à lire le message. «Ici se trouve la safe place», est-il écrit sur la banderole agrémentée de flèches indiquant la direction à suivre.

Celles-ci mènent à un préfabriqué d’une dizaine de m2 où, depuis le 20 juillet, trois associations se relaient chaque jour de 17 heures à minuit pour accueillir, écouter et orienter les victimes de violences sexistes et sexuelles (VSS) pendant les festivités liées aux Jeux olympiques et paralympiques. Pour les besoins de cet espace, 85 000 euros ont été investis par la mairie de Paris, à l’initiative du projet. Dix autres lieux refuges de ce type, situés eux aussi dans des zones de fiestas, ont été établis dans la capitale – tous seront ouverts jusqu’au 8 septembre, jour de fin des paralympiques.

«Des comportements minimisés voire romantisés»

«Cet endroit est conçu comme un espace protégé, de repli, où les victimes peuvent également trouver des informations et des ressources. Nous les recevons, les écoutons et les réorientons au besoin vers des organismes spécialisés sur ces sujets», explique Anaïs Tuyau, responsable de la prévention chez En avant toute(s), l’une des trois structures féministes, avec le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles et Elle’s Imagine’nt, présentes à tour de rôle à l’hôtel de ville. L’intérieur des lieux est sobre (et climatisé) : on y trouve quelques plantes, un canapé, un fauteuil mais aussi de la documentation en plusieurs langues et des numéros utiles.

«On sait que les espaces festifs et sportifs sont des lieux de tension, avec beaucoup de monde et une proximité qui peut être anxiogène. Cette terrasse peut accueillir jusqu’à 2 500 personnes par jour. Lors des moments de liesse, on observe des comportements qui, notamment en France, ont tendance à être minimisés voire romantisés, par exemple des baisers forcés, qui sont des agressions sexuelles», explique la spécialiste des VSS, rappelant comment, en 2018, de nombreuses femmes avaient subi des agressions sexuelles pendant la Coupe du monde de football en France.

Pour l’heure, la safe place a reçu deux personnes : une femme victime de violences conjugales ; une autre qui, sur la Terrasse des Jeux, a vu un homme adresser des propos sexistes et humiliants à une visiteuse. Le chiffre peut paraître faible (et tant mieux), mais pas forcément représentatif de la réalité. «Cela ne veut absolument pas dire qu’il n’y a pas eu plus de victimes. Nous travaillons donc à rendre davantage visible la safe place et, pour ce faire, nous envisageons par exemple d’organiser des quiz autour des stéréotypes de genre sur la terrasse», indique Estelle Chataignier, chargée de prévention pour En avant toute(s).

«Qu’aucune victime ne se retrouve seule»

Pour des raisons évidentes de confidentialité, le préfabriqué a été sciemment implanté dans un coin excentré, il est donc un peu compliqué à trouver – «Allez sur votre gauche, l’endroit est là-bas», nous a même dit un agent de sécurité alors que l’espace était situé… sur notre droite. Reste que, pour Estelle Chataignier, l’existence d’un tel lieu est déjà une «grande avancée» : «Quel que soit à terme le nombre de personnes accueillies, cette initiative de la mairie de Paris envoie un signal fort, le fait que l’on prend très au sérieux la question des VSS. Je pense que si les JO avaient eu lieu il y a dix ans, jamais un tel dispositif n’aurait été mis en place.» Sur la Terrasse des Jeux, l’idée plaît en tout cas à Hélène, 15 ans : «Dans les lieux comme cette terrasse, où il y a beaucoup de monde et de l’alcool, on sait malheureusement qu’une agression est vite arrivée. C’est donc rassurant de savoir qu’il y a un espace où l’on peut être en sécurité et écoutée.»

Hélène Bidard, adjointe PCF à la mairie de Paris en charge de l’égalité femmes-hommes, dit vouloir, «avec ces safe places, envoyer le message que nous sommes du côté de la loi et des victimes. Par ailleurs, l’idée était qu’aucune victime ne se retrouve seule, sans réponse et sans accompagnement», indique l’élue à Libération, rappelant en outre l’existence de 350 commerces parisiens labellisés lieux refuge, identifiables via l’appli de lutte contre le harcèlement de rue «Umay» (qui ne fait pas l’unanimité parmi les associations spécialisées). Hélène Bidard, à l’origine du plan féministe de la ville de Paris pour ces JO, dans le cadre duquel les volontaires ont été formés, espère que ces dispositifs «inédits» ne disparaîtront pas à la fin des Jeux : «C’est une première, nous allons donc probablement organiser des bilans avec les Observatoires des violences envers femmes de Paris et de Saint-Denis. Mais l’idée est que tout cela reste en héritage pour de prochains événements sportifs.»