Il y a des combats qui dépassent les frontières. Celui de Gisèle Pelicot contre la soumission chimique et au nom des victimes de viol a notamment résonné outre-Manche, où une pétition lancée fin décembre, mais qui a gagné en popularité à la faveur de sa traduction en français mercredi 8 janvier, demande que lui soit décerné le prix Nobel de la paix – une initiative qui montre à quel point cette dernière est devenue une icône. Diffusé par la journaliste féministe Catherine Mayer, fondatrice du Women’s Equality Party, qui a existé au Royaume-Uni pendant dix ans, le texte publié sur la plateforme Change.org argue qu’«il est difficile d’imaginer une forme de violence qui pose un plus grand défi à la paix que la violence sexuelle» : «Elle est genrée et endémique. Déployée comme arme de guerre, elle abîme ce qui s’apparente à la paix, chaque minute de chaque jour, et dans toutes les régions du monde.»
Déclaration
«Personne ne mérite ce prix plus qu’elle, écrit la pétitionnaire, qui s’adresse directement au comité Nobel. La majorité des femmes subissent des violences sexuelles au cours de leur vie. En 2021, en France hexagonale, les femmes âgées de 18 à 74 ans ont été victimes d’au moins 210 000 viols ou tentatives de viols dans l’année. […] La majorité des victimes et des survivantes connaissent leurs agresseurs. Cette vérité a été inscrite en toutes lettres dans le procès et la condamnation du mari de Gisèle Pelicot et des 50 autres hommes qui l’ont violée.» La journaliste salue également le fait que «Gisèle Pelicot est parvenue à briser le brouillard de la désinformation en renonçant à l’anonymat pour assister au procès de ses agresseurs et témoigner». Un refus du huis clos qui a contribué au retentissement majeur du procès. «Elle a choisi la publicité parce qu’elle comprenait l’importance que ça avait, estime Catherine Mayer auprès de Libération. J’ai lancé cette pétition en l’honneur de sa décision.»
«La plupart des icônes ne courent pas après ce statut»
«A la seconde où j’ai entendu parler du procès, je n’ai plus pu regarder ailleurs», détaille la journaliste et autrice. Pour elle, l’importance qu’il revêt tient justement au fait qu’il force les gens à voir en face la réalité des violences sexuelles, qui sont «souvent mal comprises et mal représentées» : «On blâme les victimes, souvent des femmes et des filles, en disant qu’elles l’ont bien cherché. Avec cette affaire-là, c’est impossible. Le nombre impressionnant d’hommes «ordinaires» qui ont participé fait mentir l’idée que les violeurs et les prédateurs sont des monstres rares. C’est un puissant correctif des mythes qui entourent les violences sexuelles.»
Mais derrière des initiatives comme celle-ci, n’existe-t-il pas un risque de surincarner le combat, en faisant de Gisèle Pelicot un totem qu’elle n’a jamais demandé à être ? «La plupart des icônes ne courent pas après ce statut, dit encore Catherine Mayer. Elle est une inspiration pour nous tous, mais elle est arrivée dans cette position pour la pire des raisons, et elle a géré tout ça avec grâce.»
Décerné chaque année par le comité Nobel norvégien, le prix Nobel de la paix a été attribué en octobre 2024 à l’organisation japonaise anti-armes nucléaires Nihon Hidankyo. Ce vendredi matin, la pétition avait été signée par 42 655 personnes, dont près de 40 000 ont ajouté leur nom ces dernières quarante-huit heures.
Mis à jour à 12 h 17 avec les déclarations de Catherine Mayer et vendredi 10 janvier à 8 heures avec l’actualisation du nombre de signataires