Les droits des femmes sont de nouveau sous la tutelle d’un homme. Le ministère délégué à l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, tenue depuis janvier 2024 par Aurore Bergé, se retrouve fondu dans un ministère au nom à rallonge dont les macronistes ont le secret. Ne cherchez plus la ministre (déléguée ou non) à l’égalité : au sein du nouveau gouvernement Barnier, c’est le député Horizons Paul Christophe qui s’en voit attribuer la charge, au titre de ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Egalité entre les femmes et les hommes. Vous avez dit fourre-tout ?
Déclassement protocolaire
La petite musique de la «grande cause du quinquennat», renouvelée pour ce second mandat, semble toujours de plus en plus lointaine. Alors que les militantes féministes réclament un ministère de plein exercice, abandonné à la fin du quinquennat Hollande, Michel Barnier fait le chemin inverse. Le ministère est rétrogradé au rang de secrétariat d’Etat, tout comme celui de la Lutte contre les discriminations. Les droits, discriminations et violences vécues par plus de la moitié de la population française se voient donc attribuer une égale considération politique que l’intelligence artificielle par exemple.
A la tête de ce secrétariat d’Etat ? Salima Saa, femme d’affaires, ex-présidente de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances et ancienne préfète de Corrèze de 2020 à 2022. Pas totalement étrangère à la politique, elle s’était notamment engagée à l’UMP auprès de Nicolas Sarkozy pour sa campagne présidentielle de 2012. Peu de doute que la secrétaire d’Etat n’a pas bronché face à ce déclassement protocolaire. Auprès de Slate, elle osait en 2012 : «On est à l’écoute des femmes plus que des militantes. Un ministère des Droits des femmes, je trouve ça ridicule en 2012, pas moderne !»
Fixer un cap
Alors que le procès des viols de Mazan permet, par son ampleur, d’obtenir une écoute plus attentive de la société sur la réalité de la domination masculine mais aussi de la soumission chimique, il est ridicule (et pas moderne) de ne pas saisir le sens des priorités, de ne pas saisir l’urgence d’accorder le maximum de poids politique à une lutte déjà mise en pause par la dissolution. La mission gouvernementale sur la soumission chimique, la commission parlementaire sur les violences dans le milieu culturel, les travaux visant à améliorer le quotidien des mères isolées… autant de chantiers capitaux balayés et dont il faudra à nouveau se saisir sans tarder. Sans compter la mission d’information sur la définition du viol, devant permettre d’y ajouter la notion de consentement positif, comme annoncé par Emmanuel Macron le 8 mars dernier. Les conclusions de la mission, lancée par Aurore Bergé en plein #MeTooCinema pour «comprendre les mécanismes à l’œuvre» dans les violences sexistes et sexuelles, sont, elles aussi, toujours attendues.
Face au pilotage interministériel solide et au budget à la hauteur (2,6 milliards pour lutter contre les violences) réclamés par les militantes, le Premier ministre répond en déroulant le tapis rouge aux réactionnaires, incarnant ainsi le «backlash» (retour de bâton) dénoncé par ces dernières. Liste non exhaustive : Bruno Retailleau, à l’Intérieur, qui a voté contre l’inscription de l’IVG dans la Constitution au Sénat, et contre l’interdiction des thérapies de conversion. Patrick Hetzel, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, qui s’est opposé à la PMA pour toutes et avait accusé ses collègues d’être «les larbins de l’idéologie» du Planning familial à l’Assemblée nationale. Sans oublier la secrétaire d’Etat à la Consommation, Laurence Garnier, qui a grossi les rangs de la Manif pour tous. «Il n’y a aucune ambiguïté s’agissant des grandes lois de sociétés pour les hommes et les femmes, elles seront intégralement préservées. Je serai un rempart pour qu’on préserve l’ensemble de ces droits», a voulu rassurer Michel Barnier. Ridicule et pas moderne de ne pas saisir qu’il ne s’agit pas seulement de protéger l’existant, mais de se donner les moyens de fixer un cap pour l’avenir.