«Tu viens d’avoir dix-huit ans. Tu es mon enfant. […] Il n’y a pas si longtemps, tu avais quinze ans. Il n’y a pas si longtemps, je taisais mon histoire.» Des années durant, Judith Godrèche a gardé le silence sur les violences sexuelles dont elle accuse désormais le réalisateur Benoît Jacquot, contre lequel elle a déposé plainte pour viols sur mineure de 15 ans par personne ayant autorité auprès de la Brigade de protection des mineurs, ce mardi 6 février. L’actrice, aujourd’hui âgée de 51 ans, s’en explique dans un texte adressé à sa fille, Tess, 18 ans, née en 2005 de son union avec le comédien et réalisateur Maurice Barthélemy, et publié par le journal le Monde, ce mercredi 7 février. «Depuis toutes ces années, la peur des mots, pas jolis, pas doux, pas métaphoreux, me fait contourner la réalité. Depuis toute petite, le désir d’un ailleurs m’a poussé à lire, écrire, être une autre. Cette autre n’est plus. Elle s’est éteinte en moi. Je ne peux plus incarner sa ‘couverture’, sa carapace ondulante», écrit la comédienne, rendue célèbre en 1990 par le film la Désenchantée, de Benoît Jacquot.
A Tess, Judith Godrèche raconte le choc qu’elle a ressenti à la lecture du Consentement, le livre de Vanessa Springora publié en 2020. Dans ce texte qui avait bénéficié d’un important écho médiatique, l’éditrice racontait la relation d’emprise que lui avait imposée l’écrivain Gabriel Matzneff au mitan des années 1980, alors qu’elle avait 14 ans. «Je décide de le lire. Page après page. Je me noie. Une armure embrumée m’engloutit tout entière. Je sombre», dit Judith Godrèche, qui continue cependant de taire sa «tachycardie, [s] on envie de vomir, la température qui baisse». «Après tout, notre caverne n’a pas besoin de ça, masser la vérité, fouiller dans les archives de mon cœur», explique-t-elle, évoquant le bonheur quotidien de sa vie avec ses deux enfants – Tess et Noé, né en 1999 d’un mariage précédent avec l’acteur Dany Boon. «C’est curieux, comme un cri peut s’amadouer, le cri de Vanessa» Springora, observe-t-elle.
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Les mois passent et Judith Godrèche se décide finalement à dénoncer publiquement Benoît Jacquot. Fin décembre, Arte diffuse une mini-série à caractère autobiographique réalisée par la quinquagénaire, dans laquelle elle évoque sa relation avec le réalisateur de 77 ans, sans jamais le nommer explicitement. «Je comprends qu’il est temps de raconter mon histoire, écrit-elle à Tess. Pour vous, pour toutes celles et ceux qui vivent encore dans un silence imposé. Dans la peur. Il est temps. Il faut que vous sachiez. Il faudra se cacher les yeux, par moments. J’espère que vous me pardonnerez. Je sais, il se fait tard, mais je viens de comprendre. Ce truc – le consentement – je ne l’ai jamais donné. Non. Jamais au grand jamais. Alors, il est temps.» Comme le rapporte le Monde, Benoît Jacquot «nie fermement les allégations et accusations» formulées par Judith Godrèche, qui portent sur des faits qui paraissent prescrits.