Une grève féministe au plus haut niveau de l’Etat. C’est ce qu’a entrepris mardi 24 octobre la Première ministre islandaise Katrín Jakobsdóttir. Afin de porter la voix contre les inégalités salariales mais aussi les violences faites aux femmes, des dizaines de milliers de femmes et personnes non binaires ont cessé le travail, soit une proportion significative pour un pays de plus de 370 000 habitants.
Analyse
Acte assez inédit, ces grévistes ont été encouragées à cesser le travail par leur gouvernement : «Je ne travaillerai pas et je m’attends à ce que toutes les femmes ici en fassent autant», a déclaré en amont la Première ministre. La réunion de son cabinet a notamment été reportée au lendemain.
Ne se contentant pas de délaisser leur poste, les féministes attendaient également «des maris, des pères, des frères et des oncles qu’ils assument les responsabilités liées à la famille et au foyer», comme le soulignaient les organisatrices.
Women in Iceland are striking today, for the 7th time since the famous #womensdayoff in 1975. Their activism for equality has changed Icelandic society for the better and continues to do so today. #Kvennaverkfall pic.twitter.com/prCZrqP3EJ
— President of Iceland (@PresidentISL) October 24, 2023
Le 24 octobre est en Islande une date historique. Ce même jour en 1975, année de la première conférence mondiale pour les femmes à Mexico organisée par l’ONU, 90 % des Islandaises s’étaient mobilisées pour cette grève pour l’égalité. Force et de constater que leur mobilisation et celles des générations suivantes ont porté leurs fruits, l’Islande est le pays le plus égalitaire au monde depuis quatorze ans, selon le Forum économique mondial (WEF), qui tient compte de divers critères tels que les salaires, le niveau d’éducation et le système de santé. Ce qui ne les exempte pas de continuer la lutte. Dans le pays, l’écart salarial moyen entre hommes et femmes atteignait 10,2 % en 2021, selon l’agence nationale des statistiques. Par la mobilisation de sa cheffe de gouvernement, l’Islande fait de nouveau figure d’exemple. De quoi inspirer les femmes politiques françaises ?
Des initiatives qui se multiplient en France
Les féministes, en tout cas, entendent s’inspirer de cet élan. La newsletter les Glorieuses propose ainsi dans un communiqué : «Et si nous faisions la même en France ? Ou, plus précisément – car toutes les femmes n’ont pas le luxe de se mettre en grève – et si nos élues et ministres se mettaient en grève au nom de l’égalité salariale le lundi 6 novembre ?»
Depuis 2016, l’équipe s’attelle à calculer ce moment fatidique où les femmes ne sont plus payées, en raison des inégalités de salaire et invite ces dernières à cesser le travail à ce moment-là en guise de protestation. En 2023, au regard des 15,4 % d’écart de salaire selon Eurostat, les Françaises commenceront à travailler gratuitement le 6 novembre à 11 h 25.
Les initiatives de grèves féministes se multiplient ces dernières années autour de la journée internationale des droits des femmes – avec un appel particulièrement large relayé aussi par les syndicats le 8 mars dans un contexte singulier de mobilisation sociale contre la réforme des retraites – ou autour de cette date de fin d’année portée par les Glorieuses depuis sept ans. Aucune n’a toutefois donné lieu en France à des cessations d’activité massives de la part des travailleuses, pour le moment.