Des mois de flou, de navette parlementaire à l’arrêt, de formulations incertaines et enfin, peut-être, un horizon? Dans un discours prononcé ce mercredi 4 octobre devant les membres du Conseil constitutionnel, à l’occasion du 65e anniversaire de la Ve République, Emmanuel Macron a redit son souhait d’inscrire l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution, et que ce chantier aboutisse «dès que possible». Faisant allusion aux deux textes parlementaires adoptés ces derniers mois sur le sujet, mais en des termes différents, le Président a dit souhaiter «que nous puissions trouver un texte accordant les points de vue entre l’Assemblée nationale et le Sénat et permettant de convoquer un Congrès à Versailles. Je souhaite que ce travail de rapprochement des points de vue reprenne pour aboutir dès que possible».
Analyse
Reste une question de taille : faut-il graver dans le marbre ce droit en retenant la formulation des députés, dans un texte adopté en novembre 2022, disposant que «la loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse» ? Ou plutôt selon les termes du texte controversé adopté au Sénat, en février dernier : «La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse» ? Comme il l’avait déjà fait le 8 mars dernier, Emmanuel Macron a semblé pencher pour la vision des sénateurs, en évoquant dans son discours ce mercredi «la liberté des femmes de pouvoir recourir à l’interruption volontaire de grossesse».
Lors de la dernière journée internationale des droits des femmes, à l’occasion d’un hommage à l’avocate féministe Gisèle Halimi, Emmanuel Macron s’était déjà dit favorable à ce que l’accès à l’IVG soit gravé dans le marbre en ces termes : «Les avancées issues des débats parlementaires, à l’initiative de l’Assemblée nationale puis éclairées par le Sénat, permettront je le souhaite d’inscrire dans notre texte fondamental cette liberté.» Le Président semblait ainsi déjà plutôt pencher pour la formulation retenue par le Sénat, considérée comme largement moins protectrice. Cette formulation «n’apporte rien par rapport à la situation actuelle : c’est déjà ce que fait le législateur. Elle ne “sécurise” pas le droit à l’IVG alors qu’il faudrait justement le garantir de telle sorte que le législateur ne puisse pas le restreindre», estimait le président de la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme auprès de Libération, la semaine dernière.
Le Président s’est par ailleurs avancé avec prudence, martelant : «On ne révise pas la Constitution sous le coup de l’émotion, pour répondre à des modes, ou pour la beauté du geste.» Toutefois, son entourage semblait indiquer avoir entendu les «mouvements de société qui s’imposent aux forces politiques». L’inscription de l’IVG dans la Constitution fera-t-elle l’objet d’une initiative à part ? Le Congrès sera-t-il convoqué spécifiquement sur ce point, ou les parlementaires seront-ils appelés à se prononcer sur une révision plus large, incluant d’autres sujets ? «A cette heure, le travail est déjà sur le fond, avant de voir le vecteur», répond-on à l’Elysée.
Dans un communiqué, la Fondation des Femmes se «félicite de la volonté d’avancer du président de la République», tout en avertissant: elle «sera attentive à la mise en oeuvre de cette annonce et la rédaction retenue. Pouvoir maîtriser sa fécondité est une condition de notre vivre ensemble, être libre est une condition de l’égalité entre femmes et hommes, et décider pour son propre corps une condition de la démocratie», insiste la Fondation.