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Libération
Témoignage

IVG dans la Constitution : pour la cinéaste Blandine Lenoir, «concrètement, il est de plus en plus compliqué d’avorter en France»

Pour la réalisatrice d’«Annie Colère», qui met en scène des militantes du Mlac juste avant la loi Veil, la constitutionnalisation de l’IVG envoie un signal fort, notamment en Europe. Mais elle regrette qu’au-delà du symbole, l’accès à l’IVG soit encore largement entravé en France.
Le film «Annie Colère» met en scène des militantes du Mlac juste avant la loi Veil. (Veronique Guillien/Diaphana Distribution)
publié le 4 mars 2024 à 20h46

«Bien sûr, on peut se réjouir que l’IVG soit inscrite dans la Constitution, même si cela donne le sentiment glaçant qu’on sanctuarise certains droits en prévision de l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite. Oui, cela donne une réelle importance au sujet, cela en fait autre chose qu’un droit qu’on quémande. Cela envoie aussi un message fort, à quelques semaines des élections, en direction de l’Europe, notamment en Hongrie, Italie, Pologne, où l’avortement est attaqué et compromis. Mais il faut surtout que ce droit devienne effectif. C’est beau de l’inscrire dans la Constitution, mais après ? Après tout, on a également une très belle loi sur l’éducation à la sexualité, qui n’est absolument pas appliquée. C’est un peu pareil pour l’IVG : le texte est très beau, mais les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux. On ne peut pas sauter au plafond tant que l’accès à l’IVG n’est pas simple et effectif partout.

L'interview de Laure Calamy pour la sortie d'«Annie Colère»

«Concrètement, il est de plus en plus compliqué d’avorter en France. Le système de santé est mis à mal, les hôpitaux sonnent l’alarme, les femmes font de plus en plus de kilomètres pour avorter, les médecins militants prennent leur retraite, les jeunes médecins ne veulent pas pratiquer d’IVG, peu valorisée et faiblement tarifée… Les inégalités territoriales en matière d’accès aux soins font que tout prend du temps, les délais sont de plus en plus longs pour tout. Or, l’avortement est un acte par nature urgent. Pour améliorer l’accès à l’IVG, il faut donc le revaloriser, apprendre aux gynécologues que c’est un acte noble, aussi, et ce dès la fac de médecine. Il faut aussi le sortir de l’hôpital, laisser les sages-femmes le pratiquer, ce qui a du sens puisqu’elles sont dans une logique de soins dispensés aux femmes. Enfin, même si les débats n’ont plus rien à voir avec ceux de 1974, même si les anti-avortement sont devenus minoritaires, ce serait bien qu’ils n’aient pas la parole aussi facilement dans certains médias, comme chez Hanouna en 2018 où l’on se demandait “Pour ou contre l’IVG ?” et plus récemment sur CNews