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#MeToo

«Je trouvais tous ces comportements inappropriés assez normaux» : Karin Viard dénonce la banalisation des violences sexuelles dans le milieu du cinéma

Violences sexuellesdossier
Sur le plateau de «C à vous» lundi 26 février, l’actrice a concédé avoir souscrit à une forme de banalisation de ces violences, qu’elle a pourtant elle-même subies.
Karin Viard en janvier 2014. (Léa Crespi/Libération)
publié le 27 février 2024 à 16h17

Judith Godrèche, Isild Le Besco, Sarah Grappin… leurs voix s’entremêlent et se relaient pour dénoncer depuis plusieurs semaines, comme d’autres avant elles, les violences sexuelles perpétrées dans le milieu du cinéma mais surtout le silence complice les ayant entourées. Sur le plateau de C à vous lundi 26 février, l’actrice Karin Viard a réagi à ce renouveau du #MeTooCinéma en France en pointant une banalisation de ces violences à laquelle elle a souscrit. «Quand on me dit que tout le monde était complice, à ce compte-là je l’étais aussi. J’étais plutôt du côté des victimes mais je trouvais tous ces comportements inappropriés assez normaux», avoue-t-elle en ajoutant : «j’ai vécu et grandi là-dedans, au fond se faire un peu peloter… je ne songeais pas à dire : «Mais ça ne va pas du tout ! Il faut qu’on dénonce ce genre de comportement».»

Faute d’une prise de conscience collective et alors que des «types très bien ne réagissaient pas», il s’agissait pour Karin Viard se «défendre toute seule dans (s) on petit coin». Si l’actrice de 58 ans est soulagée qu’aujourd’hui ces «comportements» suscitent des réactions, elle réfute à plusieurs reprises durant l’entretien l’idée d’une complicité généralisée : «Ce silence assourdissant du cinéma qui serait complice de certains agissements à la fois oui et à la fois non. Certains oui. Mais la plupart des gens n’étaient pas spécialement complices. C’est comme si tu ne te posais pas la question.»

«Tu ne songeais pas à te dire «il y a un truc qui ne va pas du tout»»

A l’appui de ses déclarations, Karin Viard évoque Judith Godrèche, qui a déposé plainte pour viol sur mineure de moins de 15 ans contre les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon début février. «Je me souviens très bien avoir su que cette fille très jeune s’était mise avec ce mec très vieux et de m’être dit : Elle est vachement mature pour son âge”. Tu ne songeais pas à te dire “il y a un truc qui ne va pas du tout», concède-t-elle en faisant allusion à la relation sous emprise de Judith Godrèche avec Benoît Jacquot au mitan des années 80, cautionnée par tout un milieu.

En d’autres termes, Karin Viard dépeint ici les conséquences de la culture du viol, soit un environnement qui tend à banaliser, minimiser, normaliser les violences sexuelles. Une culture du viol dont le cinéma s’est durant des décennies fait le relais, comme le rappelait l’autrice et réalisatrice Iris Brey dans une tribune publiée début janvier dans Le Monde : «Le cinéma est l’un des endroits où se fabrique la culture du viol et de l’inceste, parce qu’il dépeint majoritairement les agressions sexuelles du point de vue de l’agresseur comme un jeu, ou comme un moment érotique.»

«Je lui ai dit “fous moi la paix”»

Décentrant le prisme, Karin Viard évoque un problème de société, plutôt qu’un problème spécifique au milieu du cinéma. L’actrice à l’affiche du film Madame de Sévigné, sorti ce mercredi, est aussi revenue sur les accusations portées à l’encontre de Gérard Depardieu au micro de France Inter. Le matin même, elle déclarait : «Je me suis fait peloter par Gérard Depardieu, à qui j’ai dit : “Oh, mais ça ne va pas !”, et qui a arrêté immédiatement. Je n’ai jamais pensé que la société devait me défendre». Les faits se seraient déroulés lors du tournage du film Potiche de François Ozon en 2010, où Karin Viard a partagé l’affiche avec Judith Godrèche. Cinq plaintes ont été déposées à ce jour contre l’acteur pour viols et agressions sexuelles.

Sur une ligne de crête, Karin Viard incarne par ses propos une banalisation de violences qu’elle a, elle-même subies, et qu’elle souhaite dénoncer. A C à vous, elle insiste : «Je ne dénonce pas du tout. Il a essayé, je lui ai dit «fous moi la paix», et il a arrêté immédiatement», déroule-t-elle en affirmant même «par ailleurs j’ai apprécié de travailler avec lui». Alors que les faits qu’elle relate seraient qualifiés au niveau pénal d’agression sexuelle, elle note : «ce sont des comportements inappropriés que tu acceptes, tu ne sais même pas pourquoi. Tu ne te poses pas la question en fait.» Naviguant dans une certaine ambiguïté, elle réagit toutefois aux propos d’Ana Girardot : «La honte change de camp quand même au fur et à mesure des années et ça, il faut absolument s’en réjouir.»