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#MeToo

Judith Godrèche porte aussi plainte contre Jacques Doillon pour violences sexuelles, nouveaux témoignages à l’encontre de Benoît Jacquot

Au lendemain de l’ouverture d’une enquête par le parquet de Paris pour «viol sur mineur» à l’encontre de Benoît Jacquot, faisant suite au dépôt de plainte de Judith Godrèche, de nouveaux témoignages mettent en cause le réalisateur. Par ailleurs, l’actrice a porté plainte contre un autre cinéaste : Jacques Doillon, qu’elle accuse également de violences sexuelles.
Judith Godrèche en décembre 2023. (Nolwenn Brod/Vu pour Libération)
publié le 8 février 2024 à 8h30

C’est «une histoire de violence, de contrôle». Interrogée sur France Inter, l’actrice et réalisatrice Judith Godrèche est revenue, ce jeudi 8 février, sur les accusations qu’elle porte contre le réalisateur Benoît Jacquot, dont elle dénonce les violences sexuelles commises à son encontre alors qu’elle était mineure, dans les années 1990. Nouvelle déflagration sur les ondes de la radio publique : la comédienne est revenue sur une scène traumatique survenue alors qu’elle tournait un film avec Jacques Doillon, la Fille de 15 ans, sorti en 1989. Un peu plus tard dans la matinée, une source proche du dossier a indiqué à l’AFP que l’enquête visant Benoît Jacquot pour viol sur mineure, ouverte mercredi par le parquet de Paris, visait désormais également Jacques Doillon. L’actrice a en effet porté plainte contre les deux réalisateurs, a confirmé son avocate, Me Laure Heinich.

Alors qu’elle entretient une relation avec Benoît Jacquot, de 25 ans son aîné, elle devient «l’objet d’un autre réalisateur», la lance la journaliste, Sonia Devillers. «Oui, il est flatté parce que je lui appartiens, il est envié, il se sent envié par Doillon. […] C’est une forme de truc narcissique où il a un truc que les autres veulent», répond-elle, visiblement très émue. «Mais qu’est-ce qu’il veut de vous Doillon ? Votre talent d’actrice ?», poursuit l’intervieweuse.

«La même chose.

— Votre corps ?

— Donc il abuse de vous ?

— Hum.»

La scène se passe lors d’un tournage. L’acteur qui devait partager l’affiche avec Judith Godrèche vient d’être viré par le réalisateur du film, Jacques Doillon, qui décide de se mettre à sa place. «D’un coup, il décide qu’il y a une scène d’amour, une scène de sexe entre lui et moi. Et là, on fait 45 prises. Et j’enlève mon pull, et je suis torse nue, et il me pelote, et il me roule des pelles», raconte-t-elle. Jane Birkin, à l’époque femme du réalisateur, est présente, assure-t-elle. «C’est une situation extrêmement douloureuse pour elle.» L’actrice mentionne par ailleurs, sans en dire plus, un autre évènement, survenu «dans la maison de Jane, dans le bureau de Doillon». «Mais ça, personne ne l’a vu, et je n’en ai parlé à personne.»

Le parquet de Paris a ouvert mercredi 7 février une enquête au lendemain de la plainte déposée par l’actrice Judith Godrèche pour viols sur mineure contre le réalisateur Benoît Jacquot, qui l’a dirigée et a entretenu plusieurs années une relation avec elle à partir de ses 14 ans.

Confiée à la brigade de protection des mineurs, elle porte «sur les infractions de viol sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité, viol, violences par concubin, et agression sexuelle sur mineur de plus de 15 ans par personne ayant autorité». Selon le Monde, Benoît Jacquot, 77 ans et un film attendu prochainement, «nie fermement les allégations et accusations».

D’autres actrices accusent Benoît Jacquot

Ce jeudi 8 février, le Monde a publié de nouveaux témoignages d’actrices. Elles dépeignent à chaque fois un mode opératoire similaire entre tentative de séduction, emprise psychologique, volonté de possession de ces jeunes femmes, âgées de 15 ans à 23 ans aux moments de faits. Julia Roy, actrice et réalisatrice, raconte des scènes de manipulation, de domination, de violences physiques et de harcèlement sexuel. Après une forme de «mentorat», leur relation devient violente, verbalement puis physiquement. «Quand je le confrontais sur ses violences verbales et physiques, il détournait tout, prétendait que rien de tout cela n’était arrivé, et son discours était souvent contradictoire, explique Julia Roy. Je commençais à douter sur mon propre ressenti, à perdre mon libre arbitre et mon esprit critique. Je n’avais plus confiance en moi.» Interrogé par le Monde, Benoît Jacquot nie certains faits, en reconnaît d’autres, comme «un coup de pied au cul», «un verre d’eau au visage». Il dit regretter l’importation depuis les Etats-Unis d’un «néopuritanisme assez effrayant».

Vahina Giaconte, 17 ans au moment des faits, 42 ans aujourd’hui, explique, elle, comment elle a résisté aux avances du réalisateur. Et les conséquences directes de ces refus. «Après cela, son attitude a changé, il a été froid, distant, odieux.» L’actrice n’a plus jamais tourné avec le cinéaste. Scénario similaire pour Laurence Cordier, qui a refusé de devenir «l’égérie» de Benoît Jacquot, ou d’accepter les clés de son domicile. Après un unique tournage, il lui signifie qu’il ne l’embauchera plus, qu’elle «se sabote elle-même» et «qu’elle ne veut pas vraiment être actrice». «Je lui ai mis une clé dans la poche. C’est un crime ? Elle me plaisait beaucoup, j’avais l’impression que je lui plaisais aussi», répond Benoît Jacquot.

Selon Vahina Giocante, le réalisateur confondrait «désir créatif et désir sexuel». «Dans ses interviews, il répète qu’il est féministe parce qu’il filme les femmes, note Julia Roy. En réalité, les femmes sont souvent maltraitées dans ses films et il aime voir ça.»

Mise à jour : jeudi 8 février à 11 h 37, ajouts de témoignages après un nouvel article du Monde.

Mise à jour : jeudi 8 février à 12 h 36, ajout, l’enquête visant Benoît Jacquot vise également Jacques Doillon.