A peine installée, et déjà, mise en retrait. Au lendemain de la révélation, par France Info, du dépôt d’une plainte pour agression sexuelle visant la pédiatre et médecin légiste Caroline Rey-Salmon, nouvellement nommée vice-présidente de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), l’instance a fait savoir via un communiqué que celle-ci se mettait en retrait de ses fonctions au sein de la Commission, le temps de l’enquête. «Ceci rejoint la conviction de Sébastien Boueilh [le président de la Ciivise, ndlr]: ce retrait est indispensable à la sérénité des travaux de la commission», poursuit le communiqué. «Les personnes victimes ainsi que les associations qui les représentent doivent pouvoir conserver leur entière confiance dans la commission. Le président de la CIIVISE réaffirme son soutien absolu à toutes les personnes qui ont été victimes d’inceste ou de violences sexuelles pendant leur enfance. L’écoute de leur parole, la confiance en leur vécu et leur accompagnement, demeurent le fondement même des travaux de la commission.»
Selon le récit publié mardi par France Info, Louison, la jeune femme qui a déposé plainte pour agression sexuelle, met en cause Caroline Rey-Salmon pour des faits qui seraient survenus en 2020. A l’époque, la jeune femme subit un examen gynécologique dans le cadre d’une enquête judiciaire. La plaignante affirme avoir été victime d’inceste pendant plusieurs années dans son enfance et c’est à ce titre que la brigade de protection des mineurs se tourne vers Caroline Rey-Salmon, pédiatre légiste et experte judiciaire, pour que cette dernière réalise une expertise gynécologique.
«J’ai l’impression encore une fois que la société se moque de moi»
«Elle a posé ses doigts sur mon sexe, elle m’a dit : «Fermez les yeux, imaginez que là c’est le pénis de l’agresseur qui est sur vous. Est-ce que vous ne pensez pas qu’il faisait plutôt ce geste-là ?» […] Elle a fait à plusieurs reprises le geste de va-et-vient sur mon sexe», explique la jeune femme. «Moi je répétais «je ne sais plus, je ne sais plus.» Elle [Caroline Rey-Salmon] disait : «Si si, fermez les yeux, souvenez-vous, remettez-vous dans la scène.»»
La plaignante assure n’avoir pas voulu porter plainte à l’époque, pour ne pas rajouter des démarches administratives à son dossier, elle qui lutte déjà pour faire reconnaître l’inceste qu’elle a subi. Mais en décembre 2023, elle découvre les noms de la nouvelle équipe dirigeante de la Ciivise. «Sur les réseaux, j’ai vu son nom et son visage apparaître. Ça m’a choquée de la voir. […] Je ne peux pas ne rien faire et ne rien dire. […] Être à la tête de la Ciivise dont le but est justement de lutter contre les violences sexuelles et de protéger les enfants, je n’ai pas du tout confiance. J’ai l’impression encore une fois que la société se moque de moi», témoigne-t-elle auprès de Franceinfo.
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De son côté, Caroline Rey-Salmon nie les faits : «Je conteste l’intégralité des accusations dont je fais l’objet mais ne souhaite faire pour le moment aucun commentaire.» Pourtant, dans la revue spécialisée Les Cahiers de la Justice, la médecin explique en 2018 que «les enfants méconnaissent leur anatomie génitale […] et n’ont pas les mots pour décrire ce qu’ils ont subi.» Elle poursuit : «C’est tout l’intérêt de faire avec l’enfant sur la table d’examen une sorte de reconstitution des gestes de l’agresseur et de recueillir ses sensations pour être au plus près du déroulement des faits.» Franceinfo a interrogé d’autres pédiatres légistes et des psychiatres experts auprès des tribunaux, et aucun ne valide une telle pratique.
Mise en retrait sans délai
Pour l’association Le Mouvement de lutte contre toutes les formes de violence faites aux enfants, «la présomption d’innocence doit être préservée». Mais elle demande au président de la Ciivise et à Catherine Vautrin, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, «la mise en retrait sans délai de la Docteure Caroline Rey-Salmon». «Comment garantir que la Commission Indépendante sur l’Inceste et les violences sexuelles faites aux enfants soit un espace sécurisé pour les victimes de violences sexuelles dans leur enfance, si la vice-présidente est inquiétée pour de tels faits ?», s’interroge le collectif.
Plutôt que «de maintenir une institution qui est dans la tourmente», la présidente de l’association «La Voix de l’Enfant» Martine Brousse pose la question du devenir de la Ciivise et plaide pour rassembler tous les organismes de lutte contre les violences faites aux enfants. Elle qui connaît personnellement Caroline Rey-Salmon, assure que «beaucoup d’enfants ont été examinés, expertisés» par la médecin, permettant «de libérer la parole et qu’ils soient reconnus comme victime», explique-t-elle auprès de franceinfo.
Mise à jour : ajout de la mise en retrait de Caroline Rey-Salmon.